Chapitre 13 : Munich, Janvier 1941

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Ce fut avec une joie non dissimulée que je retrouvais notre appartement au centre de Munich. Moi, qui préférais le calme et les paysages de la montagne, je savourais le vacarme des véhicules et le bruit des passants.

Dans cet appartement, Joseph ne risquait pas d'entrer à tout moment. Je ne dépendais plus de lui, du moins pas directement. Il n'avait ni les clés, ni les codes d'accès permettant de venir m'importuner comme bon lui semblait.

Je me sentis tel un oiseau venant de retrouver une partie de sa liberté... Même si, je le savais, je n'étais pas près de la retrouver en intégralité.

Les premiers jours, je les passais auprès de Justus. Il veilla sur moi avec toute la tendresse et la douceur que je lui connaissais. Il savait pertinemment combien ce séjour chez les Goebbels m'avait épuisée et affligée. Je savourais chacun de ces instants avec mon frère, en faisant taire mes plus sombres pensées : je ne laisserai rien entacher ces moments de bonheur.

Enfin, rien qui était en mon pouvoir.

Dans la semaine, je reçus bons nombres de coups de fil, de fleurs et de lettres de la part de Joseph. Ce dernier ne manqua pas de m'informer de toutes les avancées de ses démarches pour qu'une union entre nous devienne envisageable. Si, au début, je lisais ses missives, j'abandonnais rapidement. Le stress, l'angoisse et le dégoût que cela suscitaient en moi, m'entravaient plus qu'autre chose.

— Ne t'en fais, Edel. Nous touchons au but. Je suis en train de réaliser une version miniature d'Enigma. J'ai encore quelques détails à fignoler et des informations à glaner sur certains éléments mais nous sommes sur la bonne voie. Grâce à toi, notamment. Ton amitié avec lui nous a permis de nous hisser rapidement dans les petits papiers des Allemands et de nous défaire de ceux qui voulaient nous nuire... Tu n'as pas à avoir honte de toi, ni même à éprouver du dégoût ! Tu es un héros... m'encouragea Justus à chaque fois que je me laissais aller dans mes angoisses.

— Ne dis pas de bêtises, c'est toi qui as assuré ! Tu as su les mettre dans ta poche et mettre en avant toutes tes qualités ! Que ce soit les programmes sur lesquels tu travailles, ton prototype d'Enigma ou même tous les noms, les troupes et stratégies de l'Empire que tu compiles pour les transmettre à la Résistance : c'est un travail immense ! Qui plus est, excessivement angoissant... le complimentais-je en retour.

S'il me voyait comme l'héroïne de notre duo, je le voyais comme mon propre héros. Justus travaillait d'arrache-pied sur tous les plans, sans jamais se plaindre.

Lorsque je l'observais s'agiter jusque tard dans la nuit, j'éprouvais une immense admiration. Mère aurait été si fière de lui...

Cela faisait bien longtemps que le doux visage de notre mère ne m'était pas venue en tête. Pourtant, Justus et moi étions ses copies conformes. Mère... Elle aussi, avait travaillé étroitement avec la Résistance. Acceptant de mettre sa vie en danger pour venir en aide aux plus démunis. Elle aussi, était mon héroïne.

Un sentiment de culpabilité s'ancra dans ma poitrine : Justus travaillait tel un forcené pour récolter toutes les informations qu'il nous manquait alors que moi, je ne faisais que fuir notre principale source d'informations. Pour autant, jamais je ne reprendrais contact avec Joseph si une autre alternative s'offrait à nous.

J'étais persuadée que de mon côté, je pouvais également œuvrer pour la Résistance mais à mon échelle... Comme Mère et Justus.

Le temps pour mon frère de terminer ce qu'il avait commencé ici, je pouvais faire quelque chose mais... j'avais beau me creuser la tête : rien ne me venait.

Les journées passèrent lentement lorsque Justus était absent. Je me languissais de son retour, désirant connaître le moindre de ses faits et gestes lors de sa journée.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant