Chapitre 12 : Berghof, hiver 1940

7 4 0
                                    

Suite à notre dernière rencontre, Joseph se montra subitement bien plus distant à mon égard. Si cela m'avait rassurée dans un premier temps, cela finit par m'inquiéter.

Notre vie, tout comme le destin du monde, ne tenait qu'à un fil maintenu fébrilement par nos choix et nos actions. Tel un papillon battant des ailes, chaque décision aussi minime était-elle pouvait être la cause de centaines de bouleversements.

Ce jeu d'équilibriste permanent me fatiguait. Plusieurs fois, je fus assaillie par un désir égoïste de tout envoyer valser mais aussitôt cette horrible pensée me traversait la tête que le visage de Mère, Harold, Karl et Jo me revenaient en mémoire. Eux et les autres méritaient tous ces efforts.

Eux, comme toutes les personnes en train de souffrir sous le joug de ces tortionnaires et ceux qui souffriraient par la suite si nous ne faisions rien, méritaient ces efforts.

Ce fut ainsi que je gardais ma motivation. Après de longues semaines sans nouvelle, Joseph finit par me recontacter : il nous relançait quant à sa proposition d'un séjour dans le Berghof. Sans attendre, j'acceptais.

Je savais que Justus ne s'y opposerait pas, loin de là. Lui aussi, avait cruellement besoin de s'éloigner de la ville. Mon frère enchaînait les heures et les projets pour assurer la prospérité de notre glorieux Régime. Il montait rapidement les échelons, comme auparavant mais cette fois-ci, plus personne ne se risquait à commenter son ascension. Ce soudain changement d'attitude de ces camarades, je l'associais à ma précédente discussion avec Goebbels. Ainsi, mes mots avaient un impact, ce qui me satisfit considérablement.

Justus s'était montré plus que dubitatif concernant ma rencontre avec Joseph. J'entendais ces doutes mais il veillait tout de même à me soutenir quant à mes prises de décisions. La relance de Goebbels me permit de lui montrer mon avancée, ce qui le combla de joie.

En retour, il me partagea ses récentes découvertes, notamment une machine spéciale permettant d'encoder des messages secrets. Des milliers de possibilités d'encodage existaient et tous les jours, le code changeait si bien qu'il était quasiment impossible de percer à jour la clé de décodage ainsi que le contenu des messages en une seule journée.

Mais cela ne décourageait pas Justus, au contraire : cela représentait pour lui un vrai défi. Les messages envoyés par les hauts dirigeants contenaient bons nombres d'informations classées top secrètes : soit une mine d'or pour la résistance. En perçant à jour cette machine et son code, il pourrait à lui-seul, changer le cours de l'Histoire.

Telle une enfant, je l'observais silencieusement coucher ses hypothèses sur le papier, réaliser des prototypes et tester ses raisonnements. Pour lui, tout était une question de probabilité et de mathématiques... Pour moi, c'était un casse-tête énorme.

Des dizaines de soirées tapie sous une couverture avec un lait chaud passèrent avant que le jour de notre départ fut annoncé. C'était officiel.

Nous allions fêter la nouvelle année avec les plus grands représentants du régime nazi.

Pour nous y rendre, nous primes le train qui nous permit d'arriver à la base des Alpes. De là, un chauffeur particulier s'assura de nous conduire à bon port.

Notre ascension dans les montagnes était marquée par des virages plus ou moins alambiqués, des pentes soudaines suivis de près par des montées importantes. J'avais l'impression d'expérimenter pour la première fois une sorte de manège à sensation dont les enfants raffolaient. À cela s'ajoutait également la vue qui était... pour le moins... somptueuse. Des étendues vertes de conifères s'étendaient sur des hectares entiers, les montagnes avaient revêtu leur plus beau manteau blanc et des oiseaux survolaient ce paradis enneigé.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant