Chapitre 10 : URSS, 1939

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Ce que nous venions de vivre était indescriptible.

Aucun mot ne pouvait nommer les diverses sensations nous ayant parcourus pendant un voyage qui n'avait duré que quelques secondes pour nous, mais plus de 1100 ans en arrière pour le reste du monde.

Des flashs d'une intensité inouïe nous avaient frappés de plein fouet. Un vacarme tonitruant semblable à des milliers de voitures klaxonnant, des cris d'enfants et des hurlements d'adultes avaient menacés de faire exploser nos tympans.

Mon corps avait été tantôt écrasé, tantôt étiré dans tous les sens. Des vents violents nous avaient également malmenés à maintes reprises. Si mes mains ne tenaient pas fermement le dispositif de Justus, je me serais envolée vers je-ne-savais quelle lointaine époque.

Une sensation de froid, suivie d'humidité couplée à un goût salé achevaient notre parcours. Absorbée comme je l'étais par notre voyage, je ne réalisais pas immédiatement que ce dernier venait de prendre fin. Néanmoins, le froid mordant du lac salé dans lequel j'étais en train de me noyer fut chargé de m'en rappeler.

L'inconfort de notre voyage fut échangé contre celui de la noyade. Par réflexe, j'avais essayé de puiser de l'air, mais ce fut d'eau glacée que mes poumons se remplirent, m'infligeant de sévères brûlures et une violente douleur. En comprenant ce qui m'arrivait, je me débattis autant que je le pus, ôtant un à un mes vêtements qui m'alourdissait.

Ainsi, je me défis de ma robe et de mes bottes.

Malgré cela, je peinais à remonter à la surface. L'air vint à me manquer cruellement, mes mouvements faiblirent et je me sentis sombrer.

Était-ce déjà la fin ?

Après tout ce que nous avions vécu ?

J'allais mourir noyée ?

Et Justus ?! Où était-il ?

Dans ma lutte pour la survie, j'avais finalement lâché l'appareil qui nous avait relié l'un à l'autre pendant tout notre périple temporel.

Était-il déjà au fond du lac ?

Allais-je le rejoindre ?

Des souvenirs me vinrent progressivement en mémoire, notamment un : celui où Justus, Jo et moi jouions tous ensemble dans le jardin sous le regard avisé de mère. Les roses venaient de fleurir, une douce odeur fleurie embaumait le domaine.

C'était peut-être cela, le paradis.

Soudain, des mains me saisirent par les épaules, m'arrachant à mon paradis de nostalgie. À peine hors de l'eau, une violente quinte de toux secoua mon corps qui luttait désespérément pour sa survie.

L'air était sec et salé, irritant d'autant plus ma gorge et mes poumons déjà bien amochés.

Lorsque je pus reprendre mon souffle, je voulus remercier comme ils se devaient mes héros mais ces derniers choisirent de perdre tout leur héroïsme.

Des rires gras se firent entendre autour de moi, des mains crasseuses vinrent me tâter dans les endroits les plus intimes de ma personne tandis que des souffles chauds non-désirés vinrent rencontrer ma peau.

Une pulsion de dégoût m'assaillit. Sa violence me sembla plus importante encore que mon impression de mort imminente.

Le dernier vêtement qui protégeait ma pudeur fut sauvagement déchiré et je sentis le vent caresser certains pans de ma peau nue.

— Non... NON ! NOOOON ! PITIÉ ! suppliais-je en vain mes assaillants.

J'essayais de me débattre, repoussant les hommes en uniforme militaire qui s'approchaient de moi mais rien n'y fit. On me plaqua au sol comme si je n'étais qu'une simple feuille. Le soleil brillait, haut dans le ciel.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant