Chapitre 4 : Mittelmäbig, Février 3039

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Près d'une semaine s'était écoulée depuis notre départ anticipé de Germania. Les journées étaient toutes aussi longues que le trajet était pénible. En effet, là où la capitale resplendissait et baignait dans les technologies, je découvris l'horreur de leurs absences. Aucun dirigeable ne survolait la ville, aucun hologramme ne tenait les habitants informés des dernières nouvelles, les voitures, quant à elles, produisaient pour la plupart d'épais nuages de fumée noire avec une odeur soufrée.

— Qu'est-ce que c'est ?! ne pus-je m'empêcher de demander en observant ces étranges véhicules entre les deux rideaux métalliques fermant le wagon.

— Edel ! m'apostropha sévèrement Justus. Reste là, ne te montre pas, on va te

voir !

Sans faire preuve de la moindre once de délicatesse, mon frère me saisit par l'épaule. Au même moment, le train de marchandises nous transportant clandestinement tourna violemment, me projetant d'autant plus brusquement en arrière. Mon postérieur heurta le sol de pleins fouets, laissant s'envoler un nuage de poussière qui me prit à la gorge, me faisant tousser.

Afin de fuir le régime et ses fidèles, nous avions dû nous résoudre à quitter la capitale, en prenant soin d'éviter toutes les grandes routes bien fréquentées et assurément gardées par les hommes de mains du Dirigeant actuel, mon père, Klaüs Goebbels.

— Pas futée la blondinette, ricana la jeune fille aux airs de garçon manqué qui nous accompagnait.

— Loin de là, ajouta sa jeune sœur aux joues rebondies.

Leurs cheveux couleurs de la nuit étaient tressés de manière très serrées en deux nattes, de part et d'autres de leur visage, leur donnant l'aspect de deux filles sages. L'aînée, était brusque et très musclée, la petite était de taille moins importante, quoique légèrement ronde. Elles avaient une peau de la couleur du marc de café, identique à celui dont mère raffolait. Je n'avais pas retenue leur nom, juste l'aversion qu'elles avaient à mon égard et leurs réflexions perpétuelles qui l'accompagnaient.

Le chaud me montant aux joues, j'étais sur le point de leur lâcher une réplique cinglante dont moi seule avait le secret lorsque Karl prit les devants :

— Ce sont des voitures à essence. Avant d'être électrique, tout fonctionnait à base de pétrole. Autant à la capitale, ce genre de voiture est inexistante, autant ici elles sont monnaie courante, prit-il le temps de m'expliquer dans un sourire.

— Merci... me contentais-je de répondre, surprise par cette soudaine attention.

Karl ne m'avait pas beaucoup adressé la parole depuis la cérémonie de commémoration après l'attaque dans Germania l'Ancienne. Il devait se questionner quant à la relation qu'il pouvait entretenir avec moi : étions-nous amis, ennemis ? Seul le temps nous le révèlerait.

Néanmoins, malgré cette hésitation perpétuelle, il veillait sur moi. Il avait toujours ce même sourire à fossettes, ces yeux vifs et pétillants quoique plus sombres que le jour de notre rencontre. Sans doute la pression était-elle montée d'un cran depuis. Quoiqu'il en soit, il restait proche de moi dans tous nos déplacements depuis notre départ. Contrairement aux autres membres de l'équipe qui ne faisaient que de se moquer ou de me dévisager avec défiance. En plus des deux sœurs qui siégeaient dans un coin du wagon, Harold était également là. Il observait silencieusement comme une ombre les faits et gestes de son frère, surtout lorsque ce dernier m'adressait la parole. À côté de lui, mon frère se tenait droit et frigide tel un glacier. Il ne me parlait guère et interagissait encore moins, hormis pour me faire des remontrances. Dans ce cas-là, il ne s'en privait pas.

Justus passait le plus clair de son temps à discuter avec Harold, voire Albert et Gilbert qui nous avaient également rejoint. Albert, l'ancien directeur de bar, n'agissait pas méchamment à mon égard mais marquait une certaine réserve. Gilbert, lui, me fixait avec haine. Il ne semblait pas s'être remis de notre dernière altercation. Je mentirais si je disais que j'en avais quelque chose à faire mais je devais avouer que l'ambiance dans ce wagon était étouffante.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant