Chapitre 17 : URSS, Automne 1943

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— Seigneur. Dans quoi me suis-je encore embarquée ? ne pus-je m'empêcher de pensées en voyant la horde de soldats blessés arriver dans ma tente de fortune.

Accompagnant leur arrivée, une odeur de fer embauma l'espace. La poussière amassée par leur uniforme m'irrita les yeux tandis que le vacarme assourdissant des soldats devint omniprésent autour de moi.

Si l'enfer existait sur Terre, il se trouverait ici.

Entre hurlements de douleurs, convulsions, pleurs et ultimes prières : je peinais à m'entendre penser.

Inspire, expire.

Je ne pouvais pas laisser ma panique prendre le dessus. Ces hommes avaient besoin de moi : je me devais de les aider. Armée de courage, je revêtis mon masque :

— Les blessés graves, ici. Les mineurs, là. Tout ce qui est superficiel et demande de médicaments : DEHORS ! J'ai besoin de place et d'un minimum de calme, rugis-je face à cette horde toute aussi paniquée, que non civilisée.

Face aux hommes, je ne pouvais pas être tendre. Ces soldats risquaient leur vie nuit et jour, voyaient leurs proches mourir et se devaient d'assassiner leurs ennemis : toute once d'empathie n'existait plus depuis bien longtemps pour eux.

Sans attendre, je procédais aux premiers diagnostiques. En quelques secondes, je devais juger si la personne en face de moi pouvait être sauvée ou non. Tel un Dieu, j'avais un droit de vie et de mort sur quiconque se trouvait dans ma tente. Malheureusement, pour la plupart, les dégâts étaient bien trop importants.

Ces hommes venaient d'être bombardés par l'ennemi. S'ils n'étaient pas morts sur le coup, c'étaient les éclats d'obus et la violence du choc qui les achèveraient.

Sur mes indications, les blessés mourants furent évacués. Je ne pouvais rien faire pour eux... Le temps m'était compté : chaque seconde passée à sauver un patient revenait à condamner un autre... Je me devais de prendre ces horribles décisions.

En agissant de la sorte, je songeais au fardeau que portait Justus et son équipe. Lui aussi devait faire des choix. Celui d'annoncer ou non l'arrivée de troupes allemandes, de bombardements à nos propres armées. Tout en sachant pertinemment que s'il ne les prévenait pas, ces unités étaient vouées à mourir... Mais il ne pouvait faire autrement, si nous déjouions en avance chacune de leur attaque, l'ennemie finirait par se douter de quelque chose et nous perdrions notre avantage.

— Madame ! m'interpella un sergent en entrant en trombe dans la tente.

— Qu'y a-t-il ? m'enquis-je sans détourner le regard de mon patient.

J'ignorais combien de plaies j'avais pansé, de points faits ou d'amputations réalisées depuis mon arrivée... C'était un nombre que je ne souhaitais pas connaître.

— Votre machine... dans votre tente, elle sonne... bredouilla-t-il, paniqué.

— Je suis occupée, cela attendra, lui rétorquais-je sèchement en désignant tous les hommes qui attendaient des soins.

— Madame... cela fait déjà une demi-heure que cela sonne en continu... m'informa-t-il.

— Une demi-heure ?! m'inquiétais-je subitement. Très bien, j'arrive.

Je fis signe à une jeune infirmière sous mes ordres de prendre la relève. Sur le front, il y avait très peu de personnels qualifiés. Pour combler ce manque, nous formions des jeunes filles des environs qui avaient le cœur bien accroché. Dans mon équipe, elles étaient cinq, toutes bien plus jeunes et plus courageuses que je ne l'aurais jamais été.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant