Chapitre 2 : Germania l'Ancienne, 22 Janvier 3039

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Un silence assourdissant régnait dans la maison. Les ululements des chouettes aux alentours résonnant au loin étaient la seule source de bruit qui parvenaient à nos oreilles.

— Ne devrions-nous pas déjà nous vêtir en homme, Mademoiselle ? demanda Annie en rompant ce silence.

— Tu peux, si tu le désires mais pour ma part, je dois rester en Edelweiss Goebbels quelques instants encore...

Annie acquiesça vivement.

— Très bien, je ferai de même. En attendant je vais me charger de nous procurer quelques denrées pour le voyage.

Dans ce couloir hostile, les bruits de nos pas vinrent rejoindre les cris des oiseaux nocturnes. Nous nous séparâmes rapidement. Annie prit le chemin des cuisines tandis que j'avançais craintivement dans la pénombre. La peur de se faire attraper par mon frère ou mon père m'inquiétait au plus haut point... Les châtiments dont je serais victime seraient innommables : renvoie d'Annie, disparition de Justus et mariage accéléré avec Helmut. Je perdrais non seulement mon frère bien-aimé mais également ma seule et unique confidente en ces sinistres lieux.

Non, c'était impensable.

La vie m'avait déjà ôtée mère, je ne laisserai personne s'en prendre aux deux derniers êtres chers qui me restaient. Je m'évertuais à combattre mon stress tout en avançant le plus discrètement possible. La salle des gardes était la pièce qui se situait le plus au centre de la demeure. Des cellules provisoires s'y trouvaient afin d'enfermer les domestiques récalcitrants ou bien les vauriens de passage dans le domaine.

Justus devait m'attendre de pieds fermes depuis une bonne heure déjà. J'espérais qu'il ne me tiendrait pas rigueur de ma lenteur. Par chance, je ne rencontrai aucun garde sur mon chemin et je parvins sans encombre à rejoindre la salle.

Arrivée devant, je toquais à la porte comme si de rien n'était afin de vérifier l'absence de domestiques à l'intérieur. L'esprit de mère devait veiller sur moi puisqu'à nouveau la chance me sourit et personne ne me répondit. À pas de loup, je poussais l'épaisse porte afin de m'engouffrer dans la pièce et la refermais sans bruit.

Jusque-là, tout allait bien.

— Edel ! Je suis là ! m'apostropha Justus à l'autre bout de la pièce.

Sans réfléchir, je me précipitais vers lui et l'enlaçais tendrement à travers les barreaux. J'avais tant de questions qui se bousculaient dans ma tête et j'aurais aimé pouvoir les lui poser mais il me coupa net :

— Attention ! J'entends quelqu'un arriver, va te cacher derrière la caisse d'armes là-bas ! fit-il en désignant une boite métallique remplie de diverses armes à quelques mètres.

Prestement, je m'y dissimulais en veillant à ne laisser dépasser aucun pan de ma robe. À quelques secondes près, la porte de la pièce s'ouvrit avec fracas et deux gardes firent irruption dans la salle comme l'avait prédit Justus.

— Sale journée,... fit l'un.

— À qui le dis-tu ! rétorqua le second.

— Mais regarde donc ce que nous avons là, n'est-ce pas le honteux déviant de la famille Goebbels ?

— Le raté, tu veux dire ! Hein, mon petit ? Ta maman n'est plus là pour te protéger ? C'est triste...

Tapie derrière la caisse, j'enrageais : comment pouvaient-ils autant se réjouir du malheur d'autrui ? Ils servaient, voire même vénéraient, père et Helmut alors que ces derniers ne les traitaient pas mieux que des nuisibles. Ils n'avaient aucune considération à leur égard. Justus n'avait jamais été dédaigneux envers quiconque. Au contraire, il s'était toujours montré reconnaissant du travail de nos domestiques, il les considérait comme des personnes à part entière et non en tant que simples sous-fifres.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant