Chapitre 15 : Japon, Décembre 1941

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La sensation oppressante du sel collée sur ma peau, le tangage de notre navire me donnant la nausée et le silence de mort régnant sur l'embarcation : voici ma nouvelle définition de ce à quoi l'enfer pouvait s'apparenter.

Seigneur. Qu'avais-je fait pour mériter cela ?

Dans mon esprit aussi naïf que téméraire, j'espérais connaître l'adrénaline et faire avancer notre combat mais en réalité, tout ce que nous faisions depuis notre départ, c'était nous ennuyer.

Justus avait essayé de me prévenir sur le côté rébarbatif de notre mission mais comme à mon habitude, j'avais fait la sourde oreille. J'avais bien trop idéalisé mon périple pour finir par être coincée pendant plusieurs longues semaines avec un homme aussi bavard qu'intéressant. Depuis notre rencontre au mois d'octobre, mon acolyte dénommé la Grue et moi-même n'avions échangé que de simples banalités. Pourtant, cet homme, un soldat anglo-japonais, devait avoir des dizaines d'aventures ahurissantes à raconter...

Pourtant, le seul moment où je l'entendais était la nuit venue, lorsque ce dernier ronflait.

Traçant la nuit, pour valider mes dires, un ronflement tonitruant fut poussé.

Génial. Voici ce à quoi ressemblait ma vie depuis plusieurs longues semaines.

Sur ce navire, nous n'avions quasiment rien hormis une réserve de nourriture en poudre, de l'eau potable, deux lits de camps spartiates et le prototype radio de Justus. Nous avions quitté Bletchey Park pour rejoindre les Etats-Unis. Là-bas, nous avions rencontré d'autres filières de la Résistance. Ces derniers avaient préparé en amont notre embarcation et nous mirent au fait sur les protocoles de sécurité à mettre en œuvre. À savoir : rester à une certaine distance du Japon pour éviter d'attirer l'attention. En mesures préventives, nous avions également été formés sur les réactions à tenir si nous rencontrions le moindre problème. Dans ce cas-ci, nous devions rejoindre au plus vite une balise militaire située non loin de là où nous nous trouvions et les appeler pour qu'ils viennent nous récupérer.

Étant donné le peu d'action dont nous avions été témoins, rien ne justifiait de les contacter pour le moment. En effet, pas le moindre signal radio n'avait été capté par le prototype de Justus.

Si la Grue ne cessait de répéter que la machine ne fonctionnait pas, je savais au fond de moi que la réalité était toute autre. Je croyais indubitablement au génie de mon frère et à l'or qu'il avait dans les mains. Le problème ne venait pas de la radio, mais de la distance beaucoup trop conséquente qu'il y avait entre nous et le pays ennemi.

Si seulement nous pouvions juste nous avancer un petit peu...

L'appareil ressemblait en tout point à une radio classique, hormis l'antenne qui était bien plus longue. Personne ne pouvait suspecter le véritable objectif de cette machine.

Pour la millième fois depuis le début de notre périple, je me mis à jouer avec les rouages du prototype pour voir si en modifiant ses réglages, nous obtenions de meilleurs résultats.

— Ce n'est pas en la bidouillant maintenant qu'elle fonctionnera comme par magie, lâcha la Grue d'un ton cinglant.

— C'est sûr qu'en ne faisant absolument rien, cela risque de changer le cours des choses, lui rétorquais-je avec violence.

— Si tu le dis, grogna-t-il.

— Oui. C'est bien ce que je dis, rendors-toi, l'invitais-je bien gentiment à me laisser tranquille.

— Je n'apprécie pas du tout le ton que tu emploies, jeune colibri. Tu ferais mieux de changer ça et vite, fit-il menaçant.

— Et moi, je n'apprécie pas t'entendre tout court, lui retournais-je avec insolence.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant