Plongée dans l'obscurité la plus totale, j'avais l'impression de perdre mes sens dans un tumulte de sensations indescriptibles avec le cœur au bord des lèvres et le froid tiraillant mes membres tout en brûlant ma poitrine. Chaque inspiration m'était pénible. Chaque expiration se muait en une violente toux.
— Tire-là, vite ! ordonna une voix masculine vaguement familière.
— Je fais ce que je peux, je te jure ! maugréa une seconde voix inquiète.
— Fais ce que tu peux, plus vite dans ce cas ! insista derechef la première.
Mon corps se heurta à un sol dur et tapissé de graviers. Mes membres engourdis ne me permirent guère de me redresser, j'étais tractée tel un objet encombrant. Les cailloux rencontrèrent mes jambes nues, les marbrant de toutes parts.
— Fais attention à elle, pitié Karl, lui intima une nouvelle fois l'inconnu familier.
Karl...
Il était là... Se pourrait-il que... ?
— Harold est en train de revenir avec Jo, va l'aider. Je reste auprès de ma sœur, répondit inconsciemment Justus à ma question silencieuse.
Justus était là, avec moi. Il était en vie.
Karl, Harold et Jo aussi, nous avions réussi. Nous étions ensemble, finalement.
Ce minime succès réussit à apaiser mes tourments un court instant, me permettant d'embrasser les ténèbres plus sereinement.
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— JUSTUS ! l'appelais-je en sursaut en me réveillant.
Haletante et transpirante, je m'extirpais en dehors de ma couchette. Les jambes et les bras bandés, mes côtes douloureuses : j'étais en piteux état.
— Edelweiss ! s'exclama Justus en se jetant dans mes bras.
Malgré la douleur de cette étreinte, je ne pus me résoudre à y mettre un terme.
— Mon frère... J'ai eu si peur... éclatais-je dans un violent sanglot.
— N'aie crainte, Edel... Je serai toujours là pour toi ! me promit-il en essuyant mes larmes.
Les yeux rougis par les pleurs et cernés par la fatigue, je le trouvais changer. Face à moi, j'avais un jeune homme dont les traits étaient tirés par les responsabilités qui lui incombaient et non plus le garçon maladif d'autrefois.
— Tu as tellement changé... commenta-t-il en regardant avec une étrange lueur de fierté dans le regard.
— Qu'est-ce que je devrais dire pour toi... pouffais-je, amusée.
Un large sourire se dessina sur son visage, laissant apparaître ses fossettes.
Voilà une chose qui n'avait pas changé, un trait que mère nous avait transmis à tous les deux. En pensant à elle, la joie qui brûla en moi s'amincit et l'implacable réalité s'imposa dans mon esprit.
— Jo, Méré... Mérédith, Jane et ... et les ... les autres ?! balbutiais-je, terrorisée par sa réponse.
— Jo va bien. Elle dort avec Karl et Harold mais pour les autres... il ne reste rien... souffla-t-il impuissant.
Mes larmes de joie furent aussitôt troquées contre celles de la tristesse. Je pleurais pour moi, pour elles et pour nos espoirs envolés. Nous venions de gagner, de les sauver... tout cela me semblait si injuste.
— Et Helmut ? finis-je par demander pleine d'amertume.
— C'est bien son œuvre. Il continue à semer le chaos. Tous les Müll du Reich ont été chassés de l'Empire, une véritable guerre civile est en train de survenir. Helmut prétend toujours suivre les directives du Père Fondateur, ce qui lui permet d'agir comme bon lui semble. Mais sa haine ne s'arrête pas là. Des rumeurs laissent penser qu'il serait prêt à déclasser les citoyens de 3ème classe, ces derniers assureraient les fonctions actuelles des Müll, me résuma Justus.
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Résistante en 3039 (Terminée)
Ficción históricaEn 1945, la Seconde Guerre mondiale a été remportée par l'Allemagne nazie, propulsant le pays au rang de puissance mondiale. En 3039, le Reich contrôle l'entièreté du monde avec à sa tête la famille Goebbels. Élevés dans l'idéologie nazie, Justus et...