Les mains claquant les unes contre les autres, un tonnerre d'applaudissements explose, se mêlant aux cris, aux sifflements des partisans des camps. Chacun est prêt à jouer leur vie ce soir. Mon dos s'enfonce lentement dans le divan blanc nacré, mes jambes tendues, reposant sur la table basse surchargée de papiers. C'est la paperasse de mon entraîneur, il ne s'est pas gêné pour envahir cette loge dès que nous avons franchi la porte. Face à moi, l'écran plat intégré dans le mur diffuse des images en direct, m'offrant un aperçu de ce qui se passe derrière cette porte, là où tout va se jouer. À côté, une penderie contenant les vêtements que je porte actuellement. La pièce déborde de futilités : un frigo rempli de boissons, un buffet dont certains ne se privent pas de vider, des hommes d'affaires élégants, qui, tout en flattant les combattants sur lesquels ils ont misé une fortune, se réjouissent de leur prochain investissement.
Mon regard revient sur l'écran. Les images du public, agité, presque frénétique. Les yeux rivés sur le ring. D'autres spectateurs sont plus calmes, fixant la scène avec une intensité palpable, leurs mains crispées autour de leurs boissons, le silence suspendu entre chaque cri. Je n'ai même pas besoin d'augmenter le volume. Leur bruit me traverse, me parcourt malgré mon casque. Je suis prête. Tout semble éteint en moi. Aucune émotion, comme si j'avais appuyé sur un bouton « off ». Je ressens une impatience croissante. Mes poings brûlent d'envie. Je vais la démolir. Mon pied tape le sol. Mon cœur bat plus fort. C'est bientôt l'heure. Dans ma tête, des scénarios défilent déjà. Mais la fin reste la même. Je souris, fière, quand l'arbitre lève mon bras, m'adressant cette victoire sans détour. Je me vois déjà, enchaînant les coups, la mettant à genoux, savourant son visage dévasté par la défaite. C'est ça, mon rêve. C'est ça, mon sport. Celui où la seule façon de réaliser ses rêves est de détruire ceux des autres. Je devrais me sentir coupable parfois. Mais non. Pas ici. Ici, c'est là que mon âme renaît, que la rage fait surface. En dehors de ce ring, tout est figé, prisonnier de la douleur du passé. Ce sport est mon exutoire, ma façon de m'exprimer, d'accepter chaque balafre, chaque épreuve comme une victoire en soi.
Le nom de mon adversaire résonne. C'est à mon tour d'entrer. Je franchis la porte, casque sur les oreilles, accompagnée de mon équipe, celle qui m'a guidée jusque-là. Je n'ai pas dit un mot depuis notre dernier débriefing. Je n'ai pas besoin de mots. Mon entraîneur non plus. Nous savons exactement ce que nous avons à faire. C'est suffisant.
Je m'arrête près de l'entrée, ferme les yeux, et écoute la dernière intonation de la voix de mon grand frère, enregistrée par ceux qui l'ont tué, les sons saturés de leur folie me frappent comme une onde de choc. Les cris résonnent dans mes oreilles. La douleur, sa douleur. Leurs voix. Ça me traverse. Ils ont cru me briser. Mais ils m'ont donnée une arme. Cette mélodie, je la laisse m'envahir, me nourrir. Elle est là, me rappelant que même parmi les alliés se cachent des ennemis. Mais tout a une fin. Tout. C'est mon tour.
Je gravis les marches, je me mets à sautiller pour garder l'énergie, avançant lentement vers la lumière. Les caméras se braquent sur moi, absorbent mon espace vital, tandis que la sécurité peine à les tenir à distance. Je ne vois rien d'autre que mon adversaire. Ni spectateurs, ni journalistes, juste elle et moi. Ce spectacle est sublime, quand on est l'objet de toutes les attentions. Je monte les trois marches du ring, passe les cordes et frôle les coins du ring, avant de lever mon poing vers le ciel. L'arène rugit.
- C'est ton moment, fais-toi plaisir, ne lui laisse rien, championne. Mais surtout, amuse-toi. Sois notre Darkoff, celle qu'on aime voir briller. S'écrie mon entraîneur avec entrain
Je ne réponds pas, concentrée sur la seule chose qui compte : anéantir cette adversaire. Je lui signe la gorge. Elle doit comprendre, avant même que le gong ne sonne, qu'elle est déjà morte. Mes poings s'entrechoquent, l'adrénaline monte. À cet instant, je suis une autre. Une version plus féroce de moi-même. Plus sûre. Plus tranchante. Mes iris s'assombrissent, mon visage devient une arme. Mon corps se tend. Mon cerveau, lui, jubile à l'idée de cette destruction imminente.C'est ma thérapie. Pas besoin de rendez-vous, c'est ici, sur ce ring, que j'extériorise mes démons. Ma tête se tourne vers le public, cherchant se beau brun qui hante mes pensées, je le repère enfin, et mes yeux s'illumine, mais un instant, mon cerveau me ramène brusquement à la réalité: ce n'est qu'une illusion. Il n'est pas là. Il ne peut plus être là.

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DARKOFF
Любовные романы« Respire, ton cœur bat trop vite, il ne faudrait pas qu'ils sachent que tu en as un » Après que le noble art est été réservé exclusivement à la gent masculine, elle s'est ouverte aux femmes qu'à la fin des année mille neuf cent quatre-vingt-dix et...