Chapitre 4.

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Sidération.

Anéantissement soudain des fonctions vitales, avec état de mort apparente, sous l'effet d'un violent choc émotionnel.

Kana était figé, le visage rougeaud de l'homme pressé contre sa poitrine découverte – quand avait-il arraché les boutons de son chemisier ? – sa main moite remontait le long de sa jambe.

Hurle, débat toi, mord-le !

Mais son corps refusait d'obéir. Elle était une vipère au poison mortel incapable de se défendre contre un pauvre type saoul qui lui murmurait des horreurs et s'apprêtait à la violer dans une ruelle sombre. Et elle avait l'impression de mourir à nouveau.

— Kana !

Elle prit une brusque inspiration au moment où l'homme fut arraché à elle et projeter contre le mur opposé. Comme ranimé par la présence soudaine de sa proie préférée, la vipère bondit à l'avant de l'esprit de Kana, quelqu'un hurla en l'attrapant et elle mordit dans la première chaire à sa portée avant de s'éloigner jusqu'au cul-de-sac et se fit toute petite en feulant. Elle mourrait d'envie de disparaître, mais se transformer ici et dans son état était trop dangereuse, sa vipère risquait de mordre quelqu'un d'autre... de mordre Ilgog.

Ilgog n'aurait pas dû la laisser sortir toute seule.

Merde merde merde !

Kana était sous sa protection depuis le jour où il l'avait engagé comme serveuse ! Il n'aurait pas dû la laisser partir à une heure du matin, seule, dans cette putain de ville de malheur !

Et maintenant il n'avait qu'une envie : buter l'homme qui avait osé poser ses mains sur sa vipère. Ils étaient trois, mais les deux autres avaient juste essayé de s'enfuir quand il était arrivé – trop tard, trop tard, trop tard – et ses videurs les avaient attrapés. L'homme saoul en frappant le mur était retombé inconscient. Un problème de moins.

— Kady, emmène-les là où tu sais, ordonna-t-il à sa petite souris, qui hocha la tête en regardant avec inquiétude Kana qui feulait au fond de la ruelle où elle s'était réfugiée. Je m'occupe d'elle.

— Ilgog tu devrais peut-être...

— Tout va bien se passer, promit-il en lui ébouriffant les cheveux comme si elle était encore une petite fille.

— Ne la laisse pas te mordre, marmonna-t-elle avant de se reconcentrer sur les videurs pour leur indiquer où emmener les trois hommes.

Bien.

— À nous deux, trésor, murmura-t-il en s'avançant les mains en l'air pour paraître moins menaçant. Viens là, Kana.

Mais elle se projeta en avant faisant mine d'attaquer et il recula précipitamment. Mais elle retourna à sa place. Putain. Son cœur battait à tout rompre et ses muscles se crispait, lui hurlant de fuir cette prédatrice effrayée. Dommage qu'Ilgog n'ait jamais vraiment écouté son instinct. Une proie ne devenait pas le chef du plus grand réseau d'information de Jaykam en suivant son foutu instinct de fuite.

Comme elle ne semblait pas réceptive à ses cajoleries, il choisit de la mettre en colère.

— Rentre les crocs, Kana, tu crois que ça te donne l'air courageux ? Tu te comportes comme une proie, là. Tu n'as pas honte de cracher sur moi ? Ne pas mordre la main qui te nourrit, tu n'as jamais appris ce dicton ?

Elle cessa de feuler en lui lançant un regard mauvais.

— Ne provoque pas la vipère énervée, il te parle, celui-là ?

Ilgog sourit, parce qu'elle avait repris sa voix venimeuse, celle qu'elle lui réservait tout particulièrement.

— Non, mais de toute façon je n'ai jamais été fort pour retenir les dictons, allez viens.

Proie et Prédateur - La Vipère et le RatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant