Chapitre 15.

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Cela faisait quatre jours que Kana et Ilgog s'évitaient. Il n'y avait pas d'autre terme pour désigner deux personnes qui vivait sous le même toi, et qui trouvait pourtant le moyen de ne pas s'être croisé en quatre jours. Kana s'attendait presque à ce qu'il la mette à la porte, vu comment elle lui avait parlé, mais aucun huissier en vue pour l'instant.

Et aucune nouvelle de leur faux rencard de vengeance.

Elle commençait à s'impatienter et ça se ressentait dans son caractère habituel : les souris l'éviter deux fois plus, et même Kady semblait s'être acheté un instinct de survie, et ne venait pas lui chercher des noises. Les clients aussi se tenaient à carreau quand elle était en salle et pas un seul incident ne survint sous sa surveillance mortelle.

À la fin de son service, elle finit malgré tout pas perdre patience. Elle n'avait aucun intérêt à rester chez Ilgog si son plan de vengeance n'avançait pas. Et elle n'avait aucune envie de rentrer au campement, donc il fallait que le plan avance.

Après avoir troqué sa tenue de serveuse avec des vêtements plus confortable, Kana se dirigea vers le bureau d'Ilgog où elle savait qu'il s'était enfermé en début de service pour ne pas la croiser. Sale lâche.

Elle entra sans toquer au cas où il aurait pour idée de fuir par la fenêtre en entendant sa voir. Il ne parut pas surpris de la voir.

— Fait comme chez toi.

— Combien ? demanda-t-elle en s'adossant à la porte les bras croisés.

Il haussa un sourcil.

— Combien quoi ?

Kana s'agita, consciente qu'elle était en train de se livrer à la merci d'un rat sans conscience pour une histoire de vengeance.

— Combien me coûteront les informations pour retrouver et tuer Sir Réginald ?

Ilgog se leva de derrière son bureau, les sourcils froncés. L'expression accentuait la dureté de sa cicatrice et lui donnait un air sauvage et dangereux. Kana se hérissa.

— Kana, dit-il dans un avertissement clair.

— Je ne te demande pas de m'aider gratuitement, Ilgog, nous ne sommes pas amis, je n'ai pas besoin que tu me soutiennes, je veux juste les informations.

Il s'avança jusqu'à elle et elle surprit son cœur à faire une embardée, mais elle ne bougea pas.

Mords-le ! ordonna sa vipère, consciente du danger qu'il pouvait représenter.

Non ! hurla la part humaine en elle.

Elle ne voulait pas faire de mal à Ilgog. Inconscient de la bataille intérieur qui l'animait, il attrapa son menton entre deux doigts et lui leva la tête. Ses crochets poussèrent contre sa lèvre inférieure, pulsant de poison.

— Tu vas me mordre, Kana ? demanda-t-il de cette voix doucereuse qu'il utilisait qu'avec elle.

— J'en ai très envie, admit-elle.

Il lui lâcha immédiatement le menton et fit un pas en arrière pour lui laisser de l'espace.

— Je ne te laisserais pas combattre cet homme seul, trésor.

— Arrête de m'appeler comme ça.

— Comment ? Trésor ? Ça te perturbe, hein ? Tu n'as pas l'habitude que les gens prennent soin de toi.

— Je n'ai pas besoin qu'on prenne soin de moi, je suis adulte.

— Même les adultes ont besoin de soutiens, tu n'es pas obligé de combattre tes démons seuls.

Elle feula, angoissée par ce que ses paroles impliquaient. Ça faisait des années que Kana se battait seule, les membres de sa meute n'étaient que des alliers d'infortune, et même lorsqu'ils s'étaient liés dans le Zoo, leur relation restait du chacun pour soi.

— Voilà mon prix, décida Ilgog. Arrête de subir seule, ne combat pas cet ennemi seul.

Kana tressaillit, pourquoi Ilgog était si impliqué, tout à coup ?

— Tu as des infos ? demanda-t-elle d'une voix étranglée.

— Tu acceptes le prix ?

— Ça t'apporte quoi ?

— Je fixe mes prix, et je ne me justifie jamais, Kana.

Ilgog tourna les talons et retourna à son bureau comme si elle était soudain devenue inintéressante. Elle ne comprit qu'il ne lui donnerait rien, ni info ni explication, si elle n'acceptait pas son prix dépourvu de sens.

— D'accord, marmonna-t-elle soudain.

Ilgog hocha la tête.

— Je n'ai pas encore d'info, en revanche je sais où loge Sir Harold et je suis presque sûr qu'il possède des lettres de ses échanges avec Sir Réginald, avec un peu de chance il y a une adresse dessus, j'ai envoyé Anya en repérage, mais elle doit être prudente, cet humain à des chats.

Le cœur de Kana reprit sa cavalcade, il avait une piste, ce stupide rat, et il ne lui avait rien dit !

— Et où est-ce qu'il habite ?

— 12 Rue des Cerisiers, quartier du Sablon, mais ne t'inquiète pas, Anya est l'une de mes meilleures espionnes, elle saura venir à bout de deux pauvres chats.

Kana ne s'inquiétait pas le moins du monde pour cette souris qu'elle ne côtoyait même pas.

— D'accord, bon, je te laisse, alors.

Ilgog hocha la tête et elle quitta le bureau précipitamment en retournant l'adresse dans sa tête pour ne pas l'oublier. Ilgog pouvait dire ce qu'il voulait, elle n'avait pas l'intention de rester les bras croiser pendant qu'il faisait tout pour elle et sa vengeance.

Au lieu de remonter à l'étage, Kana sorti du restaurant par-derrière afin d'éviter Neo, qui faisait le pied de gru dans la salle. Elle l'entendait se disputer avec Kady, mais elle ne craignait pas qu'il s'en prenne à elle. Neo avaient beau jouer les protecteurs, il ne ferait jamais de mal à la petite souris, elle en était convaincue.

Le fond de l'air était frais, mais Kana ne s'en préoccupait pas alors qu'elle s'avançait dans les rues sombres de Jaykam. La nuit était tombée et cette fois-ci elle ne commit pas l'erreur d'être distraite. Kana n'était pas une foutue proie, et la première personne qui se risquerait à le penser en paierait de sa vie.

Mais ce soir, les racailles de Jaykam se tenaient à carreau et Kana atteignit la propriété de Sir Harold sans peine. C'était une maison plutôt luxueuse étant donné l'état du reste de la ville surpeuplée. Elle était sur trois étages d'où ne filtrait aucune lumière. Les habitants de la maison devaient déjà dormir, c'était donc le moment parfait pour y entrer en toute discrétion.

Malgré le petit jardin, la maison restait mitoyenne à ses deux voisines et Kana décida de passer par le toit de l'une d'elles accoler à un arbre. En quelques minutes, elle atterrissait sur le toit, près de la cheminée tout juste assez large pour lui permettre de s'y glisser. Il y avait un avantage indéniable à sa semi-forme serpentine, qui lui permettait de revêtir ses écailles et d'assouplir sa colonne vertébrale dans des positions irréalisables pour un humain. Il ne faisait pas assez froid pour que les cheminées de la maison soient allumées et Kana arriva dans ce qui semblait être le foyer de celle d'un petit salon.

À peine eut-elle atterri sur le tapis que les bruits étouffés d'une lutte mêlée au murmure excitée d'une traque lui parvinrent. Ilgog avait eu tort, songea-t-elle en sentant l'adrénaline courir dans ses veines. Et Anya allait le payer de sa vie.

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Je pense que je perds le contrôle de cette histoire mais... hé, c'était trop calme, fallait un peu d'action et de danger ! En tout cas, c'était l'avis de Kana alors... action et danger :)

J'espère que ce chapitre vous aura plus ! Et on se dit à la semaine prochaine pour... la suite !

Kiss


Proie et Prédateur - La Vipère et le RatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant