Deuxième fragment

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Elys Saem avait longuement réfléchi. Impulsif, ce n'était pas son genre. Elys agissait et s'excusait ensuite. Pas cette fois-ci. Pendant des années, il avait cherché. La solution parfaite, celle qui ne ferait aucun dégâts et sauverait le plus de gens possible, il ne l'avait pas trouvée. Pas encore. 

Mais il voulait la trouver. Il voulait les sauver. Il devait les sauver.

Tout était de sa faute, après tout. Il avait du travail.

— C'est vraiment magnifique, murmura Iro.

Elys frissonna. La forêt n'avait pas changé, pas vraiment. Ses sens se bousculaient les uns contre les autres pour prendre le contrôle ou s'enfuir dès qu'il frôlait la lisière, dès qu'il sentait le premier arbre proche de lui. Des milliers de murmures martelaient contre ses tympans. Des doigts glacés caressaient sa peau, des baisers brûlants s'engouffraient sous le col de son manteau. L'odeur de la sève, tantôt douce et sucrée, tantôt putride et acide, lui donnait la nausée. Son corps entier lui criait de faire demi-tour.

— Elys ? Tout va bien ?

Cette question, Iro la posait souvent, ces derniers temps. De savoir qu'il voyait sa détresse le rassurait, d'une certaine façon. Mais Elys était las de la seule réponse qu'il pouvait donner sans mentir.

— Je ne sais pas.

***

Autrefois, Elys avait eu l'impression de marcher dans un cauchemar, lorsqu'il évoluait dans la forêt. Même si les sensations que cette dernière renvoyait s'étaient faites plus douces, plus chaleureuses, plus joyeuses aussi, perdre le contrôle de ses sens n'avait rien de libérateur. Rien de magnifique. Au lieu de marcher dans un cauchemar, Elys marchait dans un rêve qui n'était pas le sien. Il voulait désespérément en sortir, mais il devait continuer.

— Ce n'est pas une bonne idée, Elys.

Il avait connu le nom de la Reine, autrefois. Il l'avait connue avant qu'elle ne soit ce qu'elle était aujourd'hui. Mais depuis quelques temps, à chaque fois qu'il lui rendait visite, Elys oubliait. Quelque chose chez Iro l'en empêchait, mais ce dernier avait cessé de chercher à le lui rappeler à chaque fois. Lo, leur jeune ami·e, partageait aussi ce privilège.

Elys n'appartenait pas à la forêt et la forêt ne lui appartenait pas. Alors de quel droit était-il ici, à demander l'impossible ?

— Je sais, répondit-il. Mais je dois...

— Non, coupa-t-elle plus fermement. Non, Elys. Tu ne peux pas. Tu ne dois pas. Elle avait accepté son destin, tu dois faire pareil.

Elys serra les dents. Sous ses doigts tremblants, l'écorce du tronc se fit douce, rassurante.

— Tu ne les sauveras pas comme ça, termina la Reine.

Sa voix, à peine plus forte que le murmure du vent dans les feuilles, ne mentait pas. Pendant quelques temps, Elys la crut. Il essaya d'oublier ses peurs, il essaya de se convaincre que, si ce n'était pas pour le mieux, changer le destin amènerait peut-être le pire.

Puis il oublia la voix, comme il avait oublié le nom. Et Elys savait, au plus profond de son être, qu'il restait encore quelque chose à faire.

Une Promesse de Nuit et d'Ecailles : L'apprenti ChevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant