Lo étouffait.
Iel sentait la sueur qui empoissait ses tempes, sa nuque. Sa poitrine se soulevait avec difficulté, écrasée par un poids invisible. Ses mains se crispaient sur du rien, même pas de l'air, juste le vide infini du néant qui s'enroulait autour de ses bras et de ses jambes et se glissait dans sa bouche et dans ses narines. Une odeur putride se colla dans sa gorge, s'imprima dans ses muqueuses, colora chaque parcelle de son corps. Une odeur de chair putréfiée et de végétation moribonde. Une odeur de rêves brisés et de promesses rompues.
Lo ouvrit les yeux et se redressa en sursaut. Le coeur battant, iel cligna plusieurs fois des paupières avant de se rappeler où iel se trouvait. Ce qu'iel avait fait. La vision encore légèrement trouble, iel balaya les alentours, épuisé·e, perdu·e. Lo se sentait de nouveau comme le chevreau qu'iel avait été, prisonnier·e de la forêt.
Non. Pas de la forêt. Pourquoi avait-iel pu penser cela ? Lo n'avait jamais été prisonnier·e de la forêt. Ces geôliers, iels avaient eu des noms. Des Maegis. Des monstres. C'était elleux, qui avaient...
Avaient quoi ?
Paniqué·e, Lo tendit ses mains et effleura du bout des doigts l'une des racines entre lesquelles iel s'était endormi·e. Par instinct, iel y chercha la présence réconfortante de la forêt, voulu se réfugier dans son étreinte, sentir autour de son essence magique celle plus ancienne de sa forêt. Bien sûr, comme les fois précédentes, iel ne trouva rien.
Mais la forêt lui répondit.
Pas avec des mots. Pas avec les sensations qu'iel avait appris à trouver partout où iel cherchait, autrefois. La forêt répondit avec cette odeur insupportable, la même que dans son cauchemar. Lo se retourna sur le sol, tête en bas, l'estomac furieusement remonté. Iel aurait voulu pouvoir vomir pour se débarrasser de la pression, mais iel en était totalement incapable. Lo tremblait de tout ses membres. Iel aurait voulu que tout s'arrête - tout ? Mais comment ? La nausée se transforma en une douleur qui irradiait tout son corps. Tous ses sens étaient embués par l'odeur putride. Il sentait l'odeur, voyait l'odeur, goûtait l'odeur, touchait l'odeur, entendait l'odeur.
Un cri, pourtant, perça la barrière.
Un cri - mais iel était seul·e, pourtant. Qui avait pu... ?
Et puis, soudain, Lo comprit. Lo se rappelle. Comment avait-iel pu oublier ? Iel n'avait pas été seul·e, dans cette forêt. Del, Ode - où étaient-iels ? Et si c'était l'un·e d'entre elleux, qui avait crié comme ça ? Etaient-iels en danger ?
Lo devait les aider. Iel chercher à passer au-delà de la nausée, de son corps qui cherchait à créer le néant à l'intérieur d'iel, de l'odeur de mort qui imprégnait et remplaçait progressivement tout.
Et Lo échoua.
Iel retomba sur ses mains, se cramponna à la racine, dégringola sur ses genoux. Son estomac se retourna mais rien n'en sortit. Rien, parce qu'iel était vide, toujours vide, encore vide, et que rien ne ressortirait jamais de la coquille qui lui servait de corps.
Alors Lo essaya de crier, iel aussi. Lo cria, cria si fort que sa langue se fendit, si fort que son crâne se craquela, si fort que ses yeux crevèrent. Iel cria, mais aucun son ne sortit.
Et soudain c'était comme s'iel n'était plus rien. Plus de néant, plus de coquille, plus de Lo.
Cela ne dura qu'un instant. Un instant infime pendant lequel iel ne ressentit plus rien du tout - qu'est-ce que c'était, ressentir ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Qui restait-il, pour ressentir ?Et puis tout revint. D'un seul coup. La détresse, la douleur, la confusion.
Le cri.
— Lo ! Réveille-toi !
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Une Promesse de Nuit et d'Ecailles : L'apprenti Chevalier
FantasiaDel a toujours rêvé d'être Chevalier : sa santé fragile et le mépris de ses pairs ne lui permettent même pas de décrocher un poste de Page. Déterminé à prouver sa valeur - et à se venger - le jeune garçon vole l'épée d'un Chevalier pour secourir des...