Une Promesse de Nuit et d'Ecailles : L'apprenti Chevalier

Chapitre 9 - Lo

Le bras de Del, accroché au sien, soutenait Lo presque autant que lea faune aidait le jeune Maegis à ne pas trébucher. Quelque chose s'était brisé en iel. Ouvert.

Déraciné·e.

Ce qu'il se passait avait un lien avec Elys. Comment, et pourquoi, Lo n'en savait rien.

— Qu'est-ce qu'il fait, ton oncle ? demanda Del.

Le petit Maegis semblait de plus en plus nerveux, son regard courant partout autour d'elleux comme s'il n'arrivait plus à penser à autre chose qu'à la fatigue anormale des habitants d'Hexe. Il cherchait sans doute une distraction, le temps qu'iels n'arrivent à destination.

— Des chaussures, répondit-iel simplement.

Del lea regarda avec surprise, puis Lo le sentit trembler. Avec soulagement, iel constata que Del tentait seulement de se retenir de rire, sans trop de succès. Lo comprit sans peine ce qu'il y avait de si amusant : un·e faune avec des chaussures, c'était du jamais vu. Alors pourquoi l'un·e d'entre elleux en fabriquerait ?

— Pour les gnomes, expliqua Lo. Il a appris d'un artisan qui l'a recueilli.

— Je voulais pas me moquer, répondit aussitôt Del, le rire toujours dans la gorge. C'était juste que je m'attendais vraiment pas à ça ! J'pensais qu'il serait soldat, ou à un poste politique, ou... je ne sais pas trop.

— Pourquoi donc ?

— Parce que c'est ton oncle ! Je pensais que ta famille ferait quelque chose de... euh...

Del fronça les sourcils, fit la moue. Lo l'observa du coin de l'oeil, perplexe, alors qu'iels remontaient un sentier où les cabanes dans les arbres étaient plus nombreuses que les habitations creusées dans le sol. Il y avait bien plus de cordonniers à Hexe que de soldats, donc, statistiquement, la réalité n'était pas si surprenante.

— Quelque chose de ? relança Lo.

— J'allais dire important, admit Del, penaud. Mais faire des chaussures c'est important, donc je ne sais pas pourquoi j'ai pensé ça.

Lo sourit et tapota de sa main libre celle que Del avait posée sur son bras. Iel laissa le jeune garçon seul avec ses réflexions. Se rendre compte qu'on avait des préjugés n'était pas toujours évident, mais ce n'était pas une raison pour qu'iel se fatigue à l'accompagner dans cette brève illumination.

Iels arrivèrent enfin dans le voisinage de l'oncle, plus vite que Lo ne s'en était rendu·e compte. Iel aurait pourtant dû sentir la présence de l'arbre exceptionnel qui poussait juste à côté. Et si iel avait tout simplement perdu sa capacité à sentir la forêt et ses plus nobles représentants ? A moins que l'arbre ne soit mort de vieillesse en son absence, sans qu'iel n'ait pu dire au revoir ? Ou pire, et s'il avait été coupé pour faire de la place ?

Coupé. Déraciné·e.

Lo accéléra le pas et Del suivit le rythme sans poser de questions, légèrement essoufflé. Lea faune fut soulagé·e de voir immédiatement l'écorce bleue striée de vert et de violet d'un arbre titanesque entrer dans son champs de vision, toujours aussi majestueux. Comme tout le reste de la ville, cependant, les environs de l'arbre avaient radicalement changé d'organisation : la cabane de son oncle, autrefois isolée du reste de la ville, était désormais entourée de dizaines de structures nouvelles. Une vingtaine de personnes étaient assises entre les racines de l'arbre, plongées dans leurs travaux respectifs.

Avec son poil grisonnant, l'oncle de Lo était facile à repérer au milieu du groupe. Assis avec quatre autres personnes, il semblait plongé en pleine discussion tandis qu'iels rapiéçaient des chaussures usées ou en fabriquaient des neuves. Voir son oncle ainsi entouré fit sourire Lo.