5.

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Jordan ouvrit les yeux dans la pénombre. À en juger par la faible lumière qui transperçait les volets, le soleil commençait à peine à se lever. Sa tête était lourde, et le sang battait dans ses tempes. Le sommeil l'ayant définitivement abandonné, il se redressa péniblement, et réalisa aussitôt l'erreur que cela représentait. Une vague de nausée l'envahit. Il pinça l'arête de son nez pour se concentrer, puis fit un rapide état des lieux.

Il s'était couché complètement habillé, en ayant seulement pris la peine d'enlever sa veste et ses chaussures, qui gisaient au pied de son lit. Et au vu de son état, il n'avait pas bu d'eau avant de s'endormir. Quelle erreur de débutant.

Des flashs de la veille lui revinrent peu à peu. Jordan pesta. Il n'avait pas envie de se souvenir. Il se leva, jura en manquant de trébucher sur les affaires qui jonchaient le sol, et se traîna vers la salle de bain en retenant un haut-le-cœur. Il était dans un état pitoyable. Sa mémoire lui imposa le son d'un rire. Il savait très bien à qui il appartenait. Mais il balaya mentalement le souvenir de la main.

— La ferme...

Voilà qu'il parlait tout seul, maintenant. Vraiment, il faisait de la peine à voir.

Il se déshabilla avec difficulté et empressement, et se glissa sous le jet froid et salvateur de la douche. Le chaos de ses pensées se tut un instant. Il soupira d'aise, reconnaissant du soulagement que lui procurait le choc thermique.

Le répit fut cependant de courte durée, car son corps était maintenant en train de complètement se réveiller, et son brouillard mental se dissipait. Les pensées qu'il s'efforçait de repousser l'assaillirent sans prévenir, comme un barrage qui cède après une longue pression. Les conversations profondes et passionnées, la complicité, les rires. Son cerveau ne lui épargna rien. Pas même ce qu'il avait vu dans le regard de Gabriel lorsque leurs visages s'étaient retrouvés à quelques centimètres l'un de l'autre. Jordan eut un sourire amer. Bien évidemment, l'alcool l'avait mis dans un état lamentable, mais n'avait rien effacé. Comme par hasard.

Il attrapa rageusement une serviette et l'enroula autour de sa taille. Il n'avait jamais été attiré par les hommes, mais ce soir-là, le whisky lui avait presque fait croire qu'il développait des tendances homosexuelles.

Plus jamais, le whisky, se promit-il.

En retournant dans sa chambre, il remarqua son téléphone, abandonné lui aussi par terre. Plus de batterie. Évidemment.

Après l'avoir mis à charger, il entreprit de se choisir une tenue décontractée. Peu importe les arguments de son équipe ou de Marine, il resterait à la maison aujourd'hui. Il enfila mécaniquement une chemise qu'il laissa ouverte, ainsi que le premier jean qui lui passa sous la main.

Sa colère ne faisait qu'accroitre au fur et à mesure qu'il réalisait à quel point sa réaction avait manqué de maîtrise. Il avait fui la situation comme un lâche, en laissant Gabriel seul. Cela ressemblait presque à un aveu de faiblesse.

Il ne put s'empêcher de penser à la suspicion qui avait rempli ses yeux quand Jordan avait tenté de sauver les apparences. Comme s'il avait pu lire à travers ses défenses soigneusement construites. L'idée que Gabriel ait pu s'inventer des films l'irrita particulièrement. Après tout, ce n'était ni la première, ni la dernière fois de l'histoire qu'une soirée alcoolisée dérapait.

Son portable, qui avait récupéré assez de charge pour revenir d'entre les morts, se mit à vibrer frénétiquement lorsque Jordan composa son code. Son cœur manqua un battement. Des dizaines d'appels manqués et de messages l'attendaient. Avant même qu'il ait pu en ouvrir un pour en découvrir le contenu, sa sonnerie retentit. C'était l'un de ses chargés de communication. Il décrocha immédiatement.

Parti PrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant