16. - FIN

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Gabriel s'était assoupi l'espace d'un instant. Cinq minutes, peut-être une heure. Le rythme lent et régulier de la poitrine de Jordan qui se soulevait sous sa tête et les émotions intenses qu'il avait vécues ce soir avaient eu raison de lui.

Il ouvrit brusquement les yeux alors que son esprit se reconnectait à la réalité, et s'assit avec précipitation pour chercher à tâtons son téléphone.

L'écran s'illumina enfin, affichant 4h34 ainsi qu'une série de notifications. Plusieurs appels manqués et un nombre incalculable de messages, presque tous de Stéphane. Gabriel n'en lu qu'un ou deux, le cœur battant et la culpabilité montant en flèche, avant de prendre la décision de verrouiller l'appareil : il l'appellerait directement sur le chemin du retour.

Il saisit ses affaires et se glissa dedans à la hâte. Sa nudité qui lui semblait si naturelle il y a quelques minutes lui paraissait maintenant totalement déplacée. Jordan, à ses côtés, émergeait doucement, les sourcils froncés en observant l'agitation de Gabriel.

— Tu t'en vas déjà ? demanda-t-il, d'une voix encore ensommeillée mais teintée de regret.

Gabriel finit d'enfiler ses chaussures. Son cœur se décomposait.

— Oui, souffla-t-il sans plus de précision.

Jordan se redressa avec difficulté et attrapa son téléphone.

— Je te prends un taxi.

— Ça va, merci, répondit Gabriel avec empressement. J'en commanderai un en chemin.

Jordan quitta son portable des yeux pour regarder Gabriel, l'air confus.

— Laisse-moi au moins appeler mon chauffeur, ce sera plus...

— Ça va, Jordan ! coupa-t-il d'un ton plus tranchant qu'il ne l'aurait voulu.

La prévenance de Jordan ne faisait que rendre les choses plus compliquées qu'elles ne l'étaient déjà. Il avait chaud, il avait froid, son rythme cardiaque s'emballait de plus en plus. Il se dirigea vers la sortie, sans même avoir la force de le regarder.

— Je dois y aller. Merci... Pour tout, dit-il finalement.

La banalité et le vide total de sens de ses mots lui donnèrent envie de s'arracher les ongles.

Il franchit le seuil de la porte, le même par lequel ils étaient entrés tous les deux en riant quelques heures plus tôt. Le contraste entre l'euphorie du début de soirée et la brutalité du présent lui fit l'effet d'un coup de poignard.

Il n'avait pas la patience d'attendre l'ascenseur. La moindre seconde de vide le forcerait à penser. A l'expression douloureuse que Jordan avait probablement adopté en le voyant partir si précipitamment, ou à Stéphane, qui l'avait certainement attendu sans avoir pu fermer l'œil de la nuit. Il emprunta l'escalier et dévala les marches quatre à quatre, manquant plusieurs fois de trébucher.

Il avait besoin de mettre de la distance. Tout de suite. Beaucoup.

Gabriel sortit enfin des murs oppressants, légèrement apaisé par l'air rafraîchi et le calme de la nuit. Il erra quelques minutes sous la lumière jaune des lampadaires, avant d'enfin oser appeler Stéphane.

Il ne suffit que d'une sonnerie avant que celui-ci ne décroche de manière explosive :

— Gabriel ?! Où es-tu ? Ça fait des heures que je t'appelle, putain ! s'exclama Stéphane, dans une colère non contenue.

Gabriel sentit une sueur froide remonter jusqu'à sa nuque. Il n'avait pas vraiment réfléchi à ce qu'il pourrait dire à Stéphane. Non pas par oubli, mais parce qu'aucune option ne lui avait semblé acceptable, et qu'il s'était finalement décidé à composer sur le moment.

Parti PrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant