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L'aube se levait en inondant la chambre de Gabriel de sa pâle lueur singulière à travers le voilage blanc des rideaux. Les yeux rivés sur le plafond, il attendait patiemment que son réveil sonne. Il n'avait pratiquement pas fermé les yeux de la nuit, et cela n'allait rien arranger aux cernes déjà creusés qui marquaient son regard.

À ses côtés, un homme émit un soupir à peine audible en se retournant dans le lit, décrochant un sourire attendri à Gabriel. Stéphane avait toujours été capable de s'endormir presque instantanément, et il était aussi difficile à réveiller qu'un mort. Gabriel jalousait cette capacité.

Cela faisait deux ans qu'ils avaient mis fin à leur PACS, après plus de cinq années passées ensemble. Malgré cela, ils avaient maintenu de bonnes relations et se croisaient occasionnellement à l'Assemblée où Stéphane occupait le poste de Ministre de l'Europe et des Affaires Étrangères.

Et lorsque celui-ci lui avait de nouveau montré des signes d'intérêt, Gabriel s'était laissé séduire. Le goût familier de ses lèvres avait quelque chose de rassurant, son ex-compagnon lui apportait le réconfort et l'apaisement dont il avait désespérément besoin dernièrement. Leur relation, bien qu'encore informelle, l'avait littéralement empêché de sombrer.

Son soutien lui était devenu essentiel. En un peu plus de deux semaines à peine, sa vie avait été chamboulée par une succession d'événements majeurs, et son envie de retrouver un semblant de stabilité s'était muée en une nécessité vitale.

Tout d'abord, Jordan l'avait embrassé. D'un baiser brutal, confus, inapproprié, mais d'une intensité qui avait surpassé toute autre expérience qu'il avait connue jusqu'alors. Gabriel effleura distraitement ses lèvres du bout des doigts : le fantôme de la sensation le hantait encore parfois.

Après cet incident, Gabriel avait pris la décision de mettre un terme à ce qui pouvait difficilement être qualifié de relation, soucieux de protéger sa santé mentale. Les jours suivants, le jeune homme lui avait envoyé plusieurs messages, mais Gabriel était le genre de personne qui privilégiait la raison à ses émotions, et il avait délibérément ignoré chaque notification. Finalement, une semaine s'était écoulée sans nouvelles de Jordan, lui laissant croire que son silence avait été compris.

Peu de temps après, le Rassemblement National avait remporté la majorité au premier tour des législatives, exacerbant encore son anxiété. Partout où il posait les yeux – dans les journaux, à la télé, sur les réseaux sociaux – il y voyait le visage de Jordan, ce qui n'arrangeait rien à son état.

Une semaine plus tard, le deuxième tour se déroulait. Durant cette période, Gabriel s'était activement mobilisé pour contrer l'avancée du RN, multipliant discours et interventions médiatiques pour éveiller les Français aux dangers d'un tel gouvernement. À son grand soulagement, malgré le nombre record de voix obtenues par le parti, le Rassemblement National n'avait finalement pas obtenu la majorité des sièges à l'Assemblée.

Fidèle à la tradition politique française, Gabriel avait ensuite démissionné de son poste de Premier Ministre et avait été élu Président du parti Renaissance quelques jours après, ajoutant une nouvelle responsabilité à ses épaules.

Compte tenu des évènements récents, il avait mille et une raisons d'être sujet à l'insomnie. Mais l'absence quasi totale de sommeil de cette nuit se justifiait principalement par la matinée qui l'attendait : sa participation avait été requise pour un débat parlementaire concernant la réforme des retraites.

Étant donné l'importance capitale du sujet, les représentants de tous les partis se devaient d'être présents. En raison de son nouveau poste, il devait ainsi y représenter le parti présidentiel. Mais cela signifiait aussi autre chose : en tant que représentant du Rassemblement National, Jordan serait également présent.

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