6. - partie 2

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Les deux hommes avaient fini par trouver l'intimité qu'ils cherchaient dans un local technique. Jordan referma la porte derrière eux, le cœur martelant dans sa poitrine. Il ne savait même pas exactement ce qu'il attendait de son ainé. La seule chose dont il était sûr, c'est qu'il ne supporterait pas un seul instant de plus de ressentir le rejet aussi catégorique de sa personne dans les yeux de Gabriel.

Celui-ci attendait patiemment que Jordan se décide à parler, les bras croisés sur son torse, le visage parfaitement neutre.

Il devait impérativement trouver les mots justes.

Peut-être pouvait-il commencer par lui dire qu'il lui manquait. Qu'il avait développé une forme de dépendance à sa présence, qu'elle était la seule chose qui réussissait réellement à l'apaiser. Et que même s'il passait son temps à critiquer ses idées, il ressentait une véritable admiration pour lui. Pour son parcours professionnel, oui, mais surtout pour la personne qu'il incarnait : un homme droit, franc. Mais aussi sensible, empathique, et profondément philanthrope.

Tout ce que lui-même ne serait jamais, en somme.

Pourtant, à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, les mots semblaient s'évanouir aussitôt.

Finalement, il prit une profonde inspiration et se lança.

— Je suis désolé, Gabriel. Pour tout.

C'était si banal, si insuffisant pour exprimer l'ampleur de ce qu'il ressentait.

Gabriel n'eut aucune réaction. Son visage était figé dans le marbre.

— Tu ne peux pas simplement dire que tu es désolé en continuant de merder indéfiniment. Ce n'est pas comme ça que ça marche.

Jordan lutta pour garder son calme, la mâchoire serrée. Il en était douloureusement conscient. C'était dans sa nature, de merder. Seulement, qu'on l'excuse ou non, il s'en fichait éperdument. D'habitude.

— Alors dis-moi quoi faire. Donne-moi une chance de réparer ça.

— Réparer quoi, Jordan ?! interrogea brusquement Gabriel d'une voix cinglante, en sortant enfin de son indifférence inébranlable.

Il fixait Jordan avec intensité, en exigeant une vérité que ce dernier semblait refuser obstinément de reconnaître.

— Je...

Sa phrase resta en suspens, puis il ferma la bouche. Il n'en savait rien. Ses mots étaient sortis tout seuls.

Gabriel eut un rictus sarcastique.

— C'est bien ce que je pensais. Commence déjà par être honnête avec toi-même, avant de prétendre pouvoir réparer quoi que ce soit.

Il lui lança un dernier regard, empreint d'amertume et de déception, avant de se diriger vers la porte.

Jordan sentit une violente panique l'envahir. Il ne pouvait pas le laisser partir comme ça. Il refusait que ce regard remplace définitivement dans son esprit celui qu'il avait associé à Gabriel jusqu'à présent.

Celui qui brillait d'une lueur défiante et amusée lors de leurs débats. Celui qui pétillait alors qu'il riait, ivre, enfoncé dans le fauteuil en cuir du Plaza Athénée. Celui qui le contemplait comme s'il était la chose qu'il désirait le plus au monde.

Pourtant, chaque pas qui rapprochait son ainé de la sortie scellait un peu plus cette promesse.

Le cœur de Jordan battait à tout rompre, lorsqu'une vague de désespoir et de rage le submergea. Alors, sans réfléchir, il attrapa brusquement le bras de Gabriel et le força à se retourner.

Parti PrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant