6. - partie 1

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L'effervescence des journalistes et des médias résonnait jusque dans les coulisses. Jordan arborait son masque habituel d'impassibilité, mais l'agitation de sa jambe sous la table et le subtil froncement persistant entre ses sourcils trahissaient une nervosité croissante.

Prendre la parole en public ? Il savait le faire. Gérer un scandale, mentir avec aisance devant une foule entière ? Un jeu d'enfant. Mais devoir affronter le seul homme qui ait jamais réussi à lui faire perdre ses moyens ?

... C'était une toute autre épreuve.

Il sourit amèrement devant ce constat ironique : revoir Gabriel l'angoissait bien plus que de faire face à une meute de journalistes déchaînés. Il était tombé bien bas.

La conférence de presse avait officiellement été programmée en prévision du premier tour des législatives, et incluait une séance de questions-réponses. Quelle hypocrisie. Chacun ici savait quelles tournures allaient prendre lesdites questions. Et quelque chose lui disait qu'elles n'auraient pas grand-chose à voir avec leurs programmes politiques.

Il avala un énième café sans prêter attention à la brûlure qui traversa sa gorge.

Autour de lui, les gens s'agitaient. Les sons se fondaient en un mélange assourdissant de cris et de chuchotements indistincts qui l'empêchaient de s'entendre penser. L'atmosphère était lourde, chargée d'anticipation. Il survola des yeux pour la centième fois les notes rédigées par ses chargés de communication. Il ne comprit pas un traitre mot de ce qu'il lisait.

Il déglutit. Sa cravate était trop serrée. Il sentait son cœur battre dans ses tempes. Sa vue se brouillait progressivement.

Puis, soudain, le monde autour de lui sembla ralentir. Le chaos ambiant s'estompa, l'agitation se figea. Gabriel venait d'entrer dans les coulisses, le pas confiant, les mains nonchalamment plongées dans les poches de son costume impeccablement coupé. Jordan sentit une vague d'adrénaline l'envahir, mêlée à un étrange soulagement, quand leurs yeux se croisèrent brièvement.

Il attendit une lueur complice, un signe de tête cordial, quelque chose. Mais il ne vit qu'une froide indifférence émaner de son regard cerné.

Puis, Gabriel poursuivit son chemin pour aller saluer chaleureusement quelques-uns de ses collègues. Le bruit ambiant se réinstalla progressivement, et les conversations reprirent leur cours à une vitesse normale.

Jordan fronça les sourcils face au traitement qui lui était visiblement réservé. Quelque chose commença à bouillonner en lui.

C'était lui, qui avait catégoriquement refusé de le voir avant cette conférence. Lui, qui l'avait laissé seul comme un con après la soirée qu'ils avaient partagé. Lui qui jouait avec son attirance manifeste, lui qui menait la danse, lui qui avait l'ascendant. Il savait ce qu'il faisait, il maîtrisait parfaitement la situation.

Alors pourquoi son indifférence lui avait à ce point glacé le sang ?

Quand il eut mis le doigt dessus, son cœur se serra.

L'alchimie indéfinissable qu'ils partageaient datait du premier jour où ils s'étaient rencontrés. Et Gabriel avait certes continuellement maintenu ses distances depuis, mais pour la toute première fois... Il s'était délibérément coupé du lien qui les unissait.

Une sensation de nausée le submergea.

Jordan jeta un coup d'œil à sa montre, sentant l'urgence monter en lui. La conférence allait commencer dans quelques instants, et pourtant, il lui était impossible de se concentrer sur ce qui l'attendait. Les mémos imprimés par ses équipes n'avaient finalement constitué qu'un gaspillage d'encre et de papier, car il n'avait aucune idée de ce qu'il devrait répondre aux journalistes.

Parti PrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant