Le silence se fit pesant. Ronan fuyait mon regard alors que j'essayais vainement de rester calme. Je savais, du moins, j'espérais, qu'il craquerait si je laissais suffisamment longtemps cette ambiance se répandre dans mon appartement. Nous étions comme figés l'un face à l'autre. Je voyais les rouages de son cerveau se mettre à réfléchir. Essayait-il d'inventer un mensonge ? Je ne savais pas s'il en aurait été capable. Mais il pouvait tout aussi bien penser au meilleur moyen de faire passer son acte sans que je ne me mette à crier. Seulement, pour cela, il aurait probablement fallu qu'il se justifie bien plus tôt et non pas des heures après l'incident.
Je pris nos deux assiettes et le laissais seul, dans la cuisine. Il ne prit pas la peine de me suivre alors que je déposais le repas sur la table basse. Il allait parler. C'était ma seule certitude. Il n'avait probablement pas le choix puisque je supposais que de nouvelles mesures concernant ma protection allaient devoir être prises et qu'il devrait m'en informer. Mais j'en avais assez ! Assez de devoir attendre qu'il ait ramassé tout son courage pour m'affronter. J'étais en droit d'être mise au courant dès le départ et non pas de devoir attendre que ce cher Ronan ait la volonté de parler ! Je sentais la colère monter en moi sans bien parvenir à déterminer si elle venait des événements actuels ou si j'étais plus en colère parce que j'avais l'impression d'être trahie à chaque fois qu'il me dissimulait quelque chose. Dans le fond, peut-être qu'il était comme James. Il n'était pas honnête. J'avais envie de pouvoir compter sur quelqu'un. Avant j'avais mon père. Et sans doute que m'attacher à un membre de son équipe n'était pas une très bonne idée. Mais j'appréciais Ronan. Simplement, j'avais besoin de pouvoir lui faire confiance et ce n'était visiblement pas le cas. Comment aurait-ce pu l'être alors qu'il me cachait des informations ?
J'étais en colère contre lui de me donner des raisons de douter de sa 'loyauté'. Je voulais croire à ses belles paroles, à sa volonté d'être là pour moi, comme un ami. Et pourtant, à chaque fois que je me sentais prête à lâcher prise, il me donnait une raison de penser qu'il n'était pas si proche que cela de moi...
La minuterie de mon four sonna, m'informant que mes muffins étaient cuits. Je quittais le salon pour retourner dans la cuisine, toujours aussi perdue face à Ronan. Il avait le pouvoir de l'information. Et il refusait toujours d'ouvrir la bouche...
Je sorti un plat pour démouler mes gâteaux. Je ne brisais pas le silence. Je laissais la froideur de ma peur m'envahir. Peur qu'il me mente. Peur qu'il ne soit comme James...
Je tournais la tête dans la direction, lui jetant un regard noir. Mais il n'ouvrait toujours pas la bouche. Très bien, pensais-je. Je pris ma veste, dans le placard, enfilais mes chaussures. Il sembla enfin réagir.
- Tu vas où ?
Je le regardais, me demandant un instant si j'allais répondre ou si j'allais claquer la porte sur son nez. Je pris le parti de ne pas répondre. Je n'étais pas sûre de pouvoir parler, j'avais peur que ma voix se mette à trembler. Et je ne pouvais pas lui montrer ma faiblesse alors que je n'étais pas certaine de pouvoir avoir confiance en lui.
- Tu vas où ?
Demanda-t-il à nouveau, alors que j'ouvrais la porte de mon appartement. Je glissais ma main dans la poche de ma veste pour vérifier que j'avais mes clés. J'entendis leur tintement familier. Un bruit de mon quotidien. Cela m'aida à me rassurer un peu. J'allais franchir le pas de la porte quand il agrippa mon poignet. Je sentis ses doigts puissants se refermer et serrer.
- Tegan !
Je me retournais et le fixais dans les yeux. La pression de sa main se fit de plus en plus forte. Je commençais à paniquer. Ma respiration s'accéléra.
- Tu. Me. Lâches.
Dis-je, aussi froide que possible. Il s'exécuta rapidement.
Je reculais le plus loin possible de lui. Il n'essaya pas de se rapprocher de moi. Il ne parla pas non plus. Il semblait attendre que je prenne la parole. Je laissais le silence reprendre sa place et je comptais. 1, 2, 3... Il s'en était pris, physiquement à moi. 4, 5, 6... Il avait voulu m'arrêter et je pouvais le comprendre mais je sentais encore une douleur dans mon poignet à cause de son geste. 7, 8, 9... Je frottais mon poignet avec mon autre main pour faire se dissiper l'impression qu'un étau se resserrait. 10, 11, 12...
Compter m'aidait à me calmer. A me convaincre que ce qu'il avait fait n'était pas si grave.
Quand j'arrivais à 100 j'étais arrivée à la conclusion qu'il n'aurait pas pu m'arrêter autrement, que s'il avait voulu savoir où j'allais sa seule autre option aurait été de me suivre. A 150 je compris que ma réaction était peut-être démesurée et qu'elle était en partie liée à mes doutes sur sa personne. A 200, je rentrais dans l'appartement, toujours sans un mot, pour me réfugier dans ma chambre. Je ne pris pas la peine de fermer la porte. Je me recroquevillais dans un coin. Il me suivit et s'assis juste en face de moi, à une distance suffisante pour que je ne panique pas.
Je pris la parole.
- Je comptais me rendre chez Jim. Tu n'es pas le seul membre de l'équipe qui sait ce qu'il se passe. Si tu refuses de communiquer avec moi, je ne veux pas être dépendante uniquement des informations que tu acceptes à contre cœur de me donner.
Ma voix était atone, comme si j'étais vide. C'était l'impression que j'avais.
- Tegan. Je suis désolé. J'ai paniqué en te voyant partir. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose. Bien sûr, cela n'excuse pas mon geste. Pardonne-moi. S'il te plait...
Je sentais la peur dans sa voix. Mais la peur de quoi ? Que je mette ma vie en danger en faisant un truc stupide ? Ou alors peur que son geste ait définitivement brisé la relation fragile que nous étions en train de construire ?
J'avais tellement envie qu'il ait peur de me perdre. Envie de croire que tous mes doutes n'étaient pas fondés. Mais comment pouvais-je me fier à mon envie ? Et si je me trompais...
Mon cœur me disait, depuis le début, que je pouvais lui faire confiance.
- Ok.
Dis-je.
Il soupira, soulagé. Quant à moi, j'avais peur d'être en train de faire la pire bêtise de ma vie. Mais il était trop tard. Mon amitié avec Ronan pouvait être la meilleure chose qu'il puisse m'arriver, mais aussi celle qui pourrait me détruire s'il n'était pas digne de confiance. Je me sentais plus en sécurité de l'avoir à mes côtés. Malgré mes doutes.
Mais il allait devoir parler. Je n'oubliais pas la raison pour laquelle nous étions tous les deux assis dans ma chambre.
- Je vais aller faire réchauffer notre repas. Prend ton temps pour sortir d'ici Teg'.
Il se leva. Quelques dizaines de secondes plus tard, je fis pareil. Je passais devant mon armoire pour enfiler un sweat. J'avais tellement froid. J'avais eu tellement peur... Mais je me sentais mieux. J'espérais vraiment ne pas me tromper.
Quand je traversais le salon, je vis que Ronan avait posé nos deux assiettes sur la table basse, là où je les avais laissés quelques temps plus tôt.
Il s'était installé sur le fauteuil. Je pris place en face, sur le canapé après avoir posé les fourchettes à côté des plats. Mais je ne fis pas mine de commencer à manger. Je croisais les bras sur ma poitrine, un air déterminé et farouche sur le visage. Malgré la fragilité que j'avais montrée, je restais la même. Et je voulais toujours savoir ce qu'il me cachait.
- Tegan, il va falloir que tu partes d'ici.
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Tegan, fille de flic
General FictionElle est étudiante. Il est policier. Il va bouleverser sa vie. Elle ne saura plus à qui faire confiance. Arriveront-ils à s'entendre ? Elle risque de tout perdre et bien plus encore. Saura-t-il la sauver d'elle-même ? Sera-t-il assez présent ? Comme...