Chapitre 20

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J'accusais le coup de cette révélation. C'était bien quelque chose que je n'avais absolument pas envisagé, même dans les pires scénarios. Je ne voulais pas quitter mon appart' et puis, j'étais bien ici. Et puis, partir où ?

J'étais comme sonnée par la nouvelle. Ce n'était pas possible... Cela ne pouvait arriver que dans les films, pas dans la vraie vie...

Il ne m'était encore rien arrivé alors je ne voyais pas ce que je risquais vraiment. En plus, je n'étais pas une lâche, je ne fuyais jamais les problèmes. J'étais plutôt du genre à me battre bec et ongles contre tout le monde quand quelque chose ne me plaisait pas. Alors forcément, cette information, lancée à la manière d'une bombe qui explose -sans préavis, sans prévenir...- cela me prenait de court. Mais j'avais voulu savoir, non ?

Mon cœur s'emballait. Est-ce que je risquais quelque chose de pire que ce que j'avais pu envisager ? C'était un peu extrême comme mesure... Non ? Et pourquoi je n'avais pas été consultée ? Les policiers auraient pu en parler avec moi avant...

- Et je suis allé voir ton prof pour savoir s'il serait possible qu'il t'envoie ses cours par mail pour que tu ne perdes pas une année à cause de ça. Il a d'ailleurs été surpris de ne pas avoir été mis au courant plus tôt des événements que tu traversais. Il semble qu'il aurait été assez conciliant pour t'envoyer tous les cours que tu as dû manquer, à cause des circonstances.

Je le regardais sans vraiment comprendre à quoi il faisait référence. Et puis, je me souvins que j'avais manqué au moins six heures de son cours sur mes jours absences. Mais je m'étais débrouillée autrement pour récupérer ce qu'il avait dit.

Ronan avait brouillé la frontière que je maintenais depuis toujours entre ma vie scolaire et ma vie privée. Je n'avais jamais mélangé les deux. J'avais toujours fait en sorte que les événements de ma vie privée n'influent pas sur mes cours. Et même si j'avais dû faire une entorse à cette pratique en avertissant mon chargé de TD pour les funérailles, j'espérais que cela en resterait là... Mais Ronan était carrément aller voir un professeur d'amphi... Et l'information risquait de se relayer dans la faculté...

- Ah ouais ? Scuse d'avoir pensé qu'il avait d'autres soucis plus importants qu'une de ses élèves. Et puis, ce n'était pas comme si j'allais devoir faire mon propre cours avec des manuels, j'ai le cours d'Hugo.

Comme si j'aurais eu l'idée d'aller voir un maître de conférences qui voyait des centaines et des centaines d'élèves par jour. En plus, il avait sans doute des tonnes d'articles à écrire, des thèses à contrôler... J'étais capable de me débrouiller toute seule, ce que Ronan ne semblait pas admettre... Et puis, en choisissant un cursus en faculté, je savais aussi que cela impliquait beaucoup de travail personnel. Je pouvais me débrouiller seule... Pourquoi refusait-il de le comprendre ? Pourquoi s'appliquait-il à tout mettre en bazar dans ma vie ?

J'inspirais longuement.

- Tu n'avais pas le droit de faire cela dans mon dos Ronan... Comment veux-tu que je puisse avoir confiance en toi quand tu fais cela ? Je suis concernée par tout ce qui se passe... Tu ne peux pas me mettre à l'écart...

Il ne semblait pas comprendre tout ce que je disais... Oui c'était certain que s'il m'en avait parlé avant, cela ne m'aurait pas plu ! Mais bon sang, cela ne me plaisait pas plus maintenant que j'étais mise devant le fait accompli... J'avais besoin de pouvoir compter sur quelqu'un et je devais admettre, en mon for intérieur, que c'était Ronan que j'avais choisi. Mais il fallait qu'il arrête d'agir ainsi... Dans mon dos...

- Écoute Tegan, cette mesure de retrait de ton environnement habituelle n'est là que pour te protéger, tu le sais, non ?

-Bien sûr, comme si vous aviez une autre vocation que vous traînez un poids en plus de votre enquête...

Il sembla sur le point de contester ce que je venais de dire. Mais il vit que ce n'était sans doute pas le bon moment. De toute façon, je n'étais pas dans le bon état d'esprit pour entendre ce qu'il avait dire. Sans doute voulait-il parer au plus urgent et mettre en place ce nouveau niveau de protection avant de me remettre les idées en place...

Mais je savais bien qu'ils se seraient bien passés de moi. Déjà d'une part, cela leur monopolisait un homme H24 qui ne pouvait, par conséquent, pas travailler à fond sur la recherche des malfrats. En plus, si je n'étais pas là, leur chef -mon père- ne serait sans doute pas mort. Mais je laissais ces pensées de côté pour songer à tout ce que cela allait changer pour moi.

- Pourquoi une telle mesure s'avère nécessaire alors que ce matin ce n'était pas le cas ?

-Les gars ont surveillé nos déplacements de la journée et ils pensent qu'on a été suivis, donc que les méchants te surveillent et qu'ils profiteront de la moindre faille de notre protection pour attaquer. Notre objectif est de te faire quitter la ville sans être vu, et ensuite, tu resteras avec l'un d'entre nous dans un appartement hautement sécurisé jusqu'à ce que l'on pense que ce ne soit plus nécessaire.

-Et ma vie ici alors ?

Je me battais depuis la mort de mon père pour revenir à mon quotidien d'avant. Je voulais reconstruire ma vie le plus rapidement possible, pour passer à autre chose. Apprendre à vivre avec le deuil qui m'habitait. Mais pour ça, j'avais besoin de mes amis, de ma routine. Et désormais, en plus de ne plus avoir mon père, on m'enlevait ça ? Je ne trouvais pas ça juste...

Tout était chamboulé. C'était comme si je ne pourrais plus jamais revenir à ma vie d'avant. J'avais peur de ne plus pouvoir être la Tegan d'il y a une semaine. Celle qui n'avait pas encore connu de drame. Celle qui se contentait d'étudier et de profiter de sa jeunesse. Plus le temps passait, plus les policiers étaient présents dans ma vie, plus ils prenaient des mesures de protection et plus cette Tegan s'éloignait...

J'avais besoin de... Je ne savais pas en fait...

- Ta vie ici t'attendra jusqu'à ce que tu reviennes. Ce n'est l'affaire que de quelques semaines, au plus des mois. Mais rien de définitif. C'est la raison pour laquelle je voulais savoir s'il était possible que tu ais tes cours par mail pour que tu puisses continuer de bosser.

Waouh... Merci d'avoir pensé à tout... Je lui en voulais à mort de ne pas m'avoir mis au courant plus tôt. Et comment j'allais justifier mon départ auprès de mes amis ? Je ne voulais pas partir. De tout mon cœur je voulais envoyer cette proposition sur les roses. Je ne voyais déjà pas comment préserver mon intimité avec un garde du coup à la maison H24 et maintenant il fallait que je déménage ?

Et Del dans tout ça ? Elle ne m'avait pas encore rappelé après mon dernier message où je l'informais que j'avais fini à l'hôpital. Qu'allait-elle penser si je partais sans rien pouvoir lui dire ? Je ne pouvais pas la quitter... Elle avait besoin de moi... Et j'avais besoin d'elle...

Je me levais du canapé. Je ressentais le besoin de m'enfuir. Courir loin pour ne plus voir la réalité. Je baissais les yeux et je me rendis compte que mes mains tremblaient. J'essayais de les arrêter, mais rien ne semblait pouvoir le faire. Je serrais les poings très forts, laissant mes ongles inscrire leurs marques dans mes paumes. Je ne sentais qu'à peine la douleur.

Je voulais du calme. J'avais besoin d'une journée normale. Une journée où rien de dramatique ne se produirait. Et ce n'était pas arrivé depuis la soirée où Ronan avait fait une entrée fracassante dans ma vie...

- Tegan...

StaxKk

Tegan, fille de flicOù les histoires vivent. Découvrez maintenant