Chapitre 14

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Je finis par rentrer chez moi une heure plus tard. Nous avions parlés de mon père autour d'une bière. Hugo ne le connaissait que par mes descriptions et il ne savait donc pas quelle personne magnifique il était. Mais cela me fit du bien de pouvoir me confier à quelqu'un qui n'avait aucun lien avec lui.

J'étais très satisfaite de ma journée. Et dire que j'avais eu peur de me faire attraper par un prof. Cela ne m'était jamais arrivé et j'aurais été très embarrassée si cela avait été le cas. Heureusement que mon chargé de TD était très gentil au final. J'en étais agréablement surprise.

En rentrant, je me demandais si Ronan allait me rejoindre ce soir encore. Après tout, il avait voulu le faire la veille. Ce ne serait donc pas étonnant. Et j'aimais bien lui parler. Sa présence me rassurait un peu et comme je ne me sentais plus en sécurité nulle part cela me faisait un peu de bien.

Il n'était pas si tard quand j'avais quitté Hugo devant l'arrêt de tram et lorsque j'étais arrivée chez moi, il n'était que vingt heures. J'étais fébrile et je ne savais pas pourquoi. Sans doute le stress de ne pas savoir si j'allais avoir des visiteurs ou non. Et puis Del m'avait envoyer un texto un peu plus tôt dans la journée pour me dire que Thomas avait prévu une petite soirée romantique. Je savais donc que ma meilleure amie ne serait pas disponible pour m'aider à me relaxer. Il faudrait que je me débrouille seule. Après avoir tenté de faire un peu de ménage, je m'étais rendue à l'évidence, je ne pouvais pas rester entre les murs de mon appartement, il fallait que je bouge.

J'étais en train d'enfiler un jogging quand on toqua à ma porte. C'était Ronan, qui finalement, m'avait pris au mot. 

- Je vais faire un footing, tu viens avec moi ?? 

J'étais enjouée comme jamais, alors que je n'aimais pas spécialement courir. J'avais espoir que cela me permettrait de me calmer, ce qui expliquait mon soudain engouement pour la course à pied. Bon, je négligeais de penser que je n'avais rien avalé depuis la salade de la veille, ce qui était un peu limite : cela faisait près de vingt-quatre heures que je n'avais rien avalé. J'imaginais déjà le sermon que l'homme en face de moi pourrait me faire s'il était au courant. Mais heureusement pour moi, ce n'était pas le cas. J'en avais de la chance.

Ronan décida de venir avec moi sans hésiter. J'avais vu son regard s'assombrir quand il avait compris que je sortais. Il n'avait rien tenté de dire. Mais j'avais lu en lui : il pensait qu'il était bien tard pour sortir courir. S'il avait osé me faire une réflexion, je l'aurais probablement planté là et je serais partie sans lui. C'était la conclusion à laquelle il avait dû arriver. Je souris intérieurement, il avait vite appris à anticiper mes réactions à ce que je pouvais voir.

Je lui prêtais un jogging qui devait probablement appartenir à James, avant que je ne le plaque. James, une grande histoire d'amour... Enfin plutôt l'inverse... Ce type ne m'avait apporté que des ennuis. Et c'était en parti à cause de lui que je n'avais plus envie de croire au grand Amour. Je savais que ce n'était que des idioties, rien de plus. L'amour ne pouvait pas exister. Sinon comment expliquer qu'un type qui paraissait adorable et qui s'était comporter de façon exemplaire tout le long de notre relation avait fini par s'envoyer en l'air avec une autre fille ? Je m'étais fait avoir... Et il était hors de question que cela recommence à nouveau. Alors j'avais décidé que l'amour n'était pas une chose pour moi. J'avais ma Del et cela me suffisait amplement. Je n'avais pas besoin d'un homme. Et si je voulais un enfant plus tard, je me débrouillerais toute seule.

Nous dévalâmes tous les deux les escaliers de mon immeuble et marchâmes quelques minutes avant d'arriver dans un parc proche de chez moi. Ce n'était pas la première fois que je venais courir ici et je savais qu'à l'heure qu'il était, nous serions tranquilles : il était trop tard pour qu'il soit envahi de mômes et encore trop tôt pour l'être par les SDFs. Je ne m'étais pas trompée, il était vide. Il n'y avait que nous deux pour aller courir à cette heure-là.

Nous avions commencés à courir au même rythme et j'arrivais à suivre Ronan malgré ses grandes jambes. Mais je finis par le laisser prendre peu à peu plus d'avance. J'avais un peu de mal à maintenir la même foulée que lui. Il devait avoir l'habitude de courir régulièrement, ce n'était pas possible autrement. Je sentais mon corps de plus en plus faible. Mais je décidais de ne pas m'écouter. Je voulais me défouler un peu pour être fatiguée et parvenir à passer une bonne nuit. Il le fallait. Je me sentais tellement épuisée ces derniers temps... Comment était-ce possible que je suis aussi fatiguée mais que je ne puisse dormir ? C'était à ne plus rien comprendre...

Je trouvais un rythme de course beaucoup plus lent, qui me convenait mieux. J'avais l'impression de me trainer comme une grand-mère mais je ne pouvais pas avancer plus vite. Je sentais l'épuisement gagner tout mon corps. Je n'allais pas pouvoir courir encore des heures entières, c'était bien certain.

La tête commença à me tourner, mais je continuais de courir, de poser un pied devant l'autre. J'avais conscience que je n'allais pas tarder à tomber dans les pommes. Je reconnaissais les sensations que l'on ressentait juste avant.

Je ne m'étais évanouie qu'une seule fois mais l'expérience était encore gravée dans ma mémoire. C'était arrivé alors que j'étais avec ma mère. Elle avait décidé que nous allions aller faire les boutiques parce que mon père ne m'achetait jamais rien de joli ni à la mode d'ailleurs. Ma mère était une personne qui accordait beaucoup d'importance à l'apparence. Elle avait décidé cela sans me consulter et donc, un samedi matin alors que je venais juste de me lever et que je n'avais rien eu le temps de manger ou boire, nous étions parties faire les magasins. Je me souviens encore de la chaleur qu'il faisait... Ma génitrice me trainait de rayon en rayon et moi la seule chose dont j'avais envie c'était d'un immense verre d'eau et d'un morceau de pain pour pouvoir attendre le repas ensuite. Ma mère ne s'était rendu compte de rien bien entendu. J'avais ressenti la même chose que ce qu'il se passait.

Mon cœur se mit à battre encore plus fort. Dans un sens, je savais que j'agissais stupidement. Mais la seule question que je me posais était de savoir quand j'allais prévenir Ronan. Est-ce que je me payais le luxe de le rattraper et de m'effondrer à ses pieds ? Oui, j'avais toujours eu un sens aigu du drame.

Mais je n'avais plus d'énergie. 

- Ronan... 

Je voulu crier, mais ma voix me sembla bien lointaine quand le mot résonna. J'espérais qu'il m'ait entendu. Sinon il lui faudrait probablement un peu de temps avant de se rendre compte que j'étais sur le sol. Heureusement, je le vis se retourner. Il ne comprenait pas ce qui allait se produire juste sous ses yeux. Ce fut ma dernière pensée avant que le noir tombe devant mes yeux. Je n'eus même pas conscience de toucher le sol.

Tegan, fille de flicOù les histoires vivent. Découvrez maintenant