CHAPITRE 2 - La première graine

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Tialvo

La dernière chose que Tialvo avait envie de faire en ce moment, c'était bien déambuler d'un bout à l'autre de la ville avec sur le dos un sac lourd comme un bœuf. Un coup d'œil par la fenêtre suffit à lui confirmer qu'il n'allait pas tarder à transpirer sous le soleil brûlant – ce qui le rendrait encore moins attirant aux yeux des demoiselles qu'il pourrait croiser.

Et puis, il anticipait déjà les regards moqueurs et les sourcils haussés que lui adresseraient les Noxains qu'il croiserait sur son chemin.

Non, décidément, il aurait mille fois préféré rester chez lui. Sortir dans le jardin, s'étendre sur l'herbe et rêver au bal de ce soir. Imaginer de mille et une façons les pas qu'il danserait, les jeunes fées qu'il inviterait, les rires, les regards et la musique qui l'enivrerait.

Le claquement de la porte le tira de ses rêveries. Il reconnut aussitôt le pas vif et les cheveux blonds d'Elhonro, qui s'arrêta net en le voyant à l'intérieur. Un sourire narquois ne tarda pas à étirer ses lèvres.

— Eh ben alors, toujours pas parti ? Fais attention, à ce rythme, tu ne seras pas revenu à temps !

— Le bal commence dans quatre heures, rétorqua Tialvo en levant les yeux au ciel.

— Je compte ton temps de préparation. Vu le nombre de fois où tu nous en as parlé, il te faudra au moins deux heures de plus que la moyenne !

Tialvo attrapa la première chose qui lui tomba sous la main – le stylo avec lequel il complétait les étiquettes– et le projeta vivement sur Elhonro d'un souffle de vent. Ce dernier esquiva le projectile en riant, ses yeux verts pétillant demalice.

— Tu rigolerais moins si c'était à toi qu'on avait demandé de livrer des dizaines de produits de la boutique à des clients dans toute la ville, grommela Tialvo en plaçant les derniers paquets dans son sac .

— Eh oui, la vie est dure, sonhadrio, répondit l'autre en s'approchant de lui pour ébouriffer ses cheveux roux. Au moins, tu n'as pas à travailler sur la grande place et à supporter en permanence ces idiots de Noxains...

— Qu'est-ce qui est encore arrivé ?

Elhonro lui sourit avant de s'éloigner vers le fond de la pièce, les mains dans les poches.

— Oh, rien de nouveau, les provocations habituelles. Simplement, fais attention quand tu quitteras le quartier : trace ta route et ne t'occupe pas du reste. Même si je sais qu'il y a peu de chances pour que tu te retrouves mêlé à ce genre d'idioties, concéda-t-il d'un ton plus doux.

Tialvo retint un soupir. Elhonro disait vrai, et il n'en était pas fier. Ce dernier avait beau considérer les bagarres comme des idioties, c'était bien parce qu'il osait se battre que tous le respectaient et l'admiraient. Alors que Tialvo, malgré ses dix-neuf ans, était à peine considéré comme un homme. Il le sentait dans les regards que lui lançaient les Noxains qui se baladaient en bande, et même dans les sourires des Hémériennes lorsqu'il osait leur témoigner un semblant d'intérêt.

— Au fait, tu voulais quelque chose ? demanda Tialvo pour se changer les idées.

— Je cherche ta sœur. Elle est ici ?

— Oui, à l'étage. Je crois qu'elle fait les comptes, tu peux aller voir.

Elhonro ouvrit la porte qui donnait sur l'escalier, monta quelques marches, puis cria à pleins poumons :

— Pazina ? Amour de ma vie ? Tu es là ?

Tialvo secoua la tête en réprimant un sourire. Il pouvait presque voir la moue agacée de sa sœur, concentrée sur ses chiffres. Des bruits de pas résonnèrent au-dessus de sa tête, puis dans l'escalier.

Le Champ de lys - PRÉQUELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant