Le Champ de lys - PRÉQUEL

CHAPITRE 12 - Arracher les racines

Skuma

— Eh bien, je ne te savais pas aussi mélodramatique, renifla Kunnias d'un air méprisant.

Son regard brillait d'une satisfaction malsaine. Skuma savait qu'elle aurait dû réagir, mais sa bouche refusait de lui obéir. Son regard quitta son cousin pour se river sur le beau-frère de Tialvo. Un engourdissement terrible la saisit. Les mots tournaient dans sa tête, comme autant d'épines transperçant son cœur.

Son amour est un poison. Elle t'a collé une cible dans le dos. Une condamnation à mort.

Elle ne savait pas ce qui était le pire. Le mépris de Kunnias pour l'amour qui la liait à Tialvo, ou la colère d'Elhonro. La rage mêlée de tristesse qui transparaissait dans ses yeux. Il ne lui jeta qu'un bref regard, mais ce regard suffit à lui donner envie de se recroqueviller sous terre. Il la voyait comme un danger. Une menace.

Une bombe à retardement qui ne tarderait pas à exploser dans les bras de son beau-frère.

Pour la première fois, elle baissa les yeux. Elle ne voulait pas qu'ils la voient lutter pour ravaler ses larmes. Elle eut à peine conscience du bras de Tialvo qui passa autour de sa taille et la ramena contre lui.

— Je t'interdis de parler d'elle ainsi, fulmina-t-il. Si tu crois qu'elle m'a condamné, c'est que tu n'as rien compris. Je ne me suis jamais senti aussi vivant depuis que je l'ai rencontrée !

Les derniers mots tombèrent droit dans son cœur, réveillèrent ses membres engourdis. Sa gorge se noua, mais pour une tout autre raison. Une bouffée d'amour et de reconnaissance consuma les dernières épines.

Elle releva la tête vers lui et remarqua ses traits tendus, ses yeux bleus étincelants. Elle sentait son corps trembler contre le sien. Elle caressa le dos de sa paume d'un geste apaisant. Il se détendit légèrement contre elle.

Elle n'avait même pas besoin de se tourner vers Kunnias. Elle devinait son expression froide, brûlante d'incompréhension et de mépris. Elle sentait la morsure de son regard sur leurs mains nouées, leurs corps enlacés. Elle réprima un sourire féroce.

Qu'il regarde.

— Tialvo, tu n'es qu'un enfant, reprit Elhonro d'une voix sourde. Je ne pense pas que tu saisisses la mesure de ce qui est en jeu, tu ne comprends pas...

— Au contraire, je crois que je comprends très bien !

— Non, tu ne comprends pas ! Regarde ce que votre histoire vient de provoquer, attaqua-t-il en englobant d'un geste les personnes présentes. Même maintenant, tu n'es pas prêt à reconnaître tous les dangers auxquels tu t'es exposé ces derniers jours !

Il éteignit ses flammes, puis fit un léger pas en avant. Son regard implacable contracta l'estomac de Skuma. Ce fé au visage tendu n'avait rien à voir avec l'homme léger et blagueur que lui décrivait Tialvo lorsqu'il lui parlait de son quotidien. Ce dernier se tendit et serra plus fort sa main dans la sienne.

— Rentre avec moi, Tialvo. Lâche-la. S'il te plaît, ajouta-t-il dans un souffle.

Son cœur s'accéléra. Pendant une seconde, les traits durs de Elhonro s'étaient fendillés pour laisser apparaître un front plissé, des sourcils affaissés. Un éclat de peur brillait dans ses yeux verts. Un creux se forma dans le ventre de Skuma, et elle se détacha doucement de Tialvo.

Il allait la lâcher. Il fallait qu'il la lâche, au moins pour aujourd'hui. Lorsqu'il resserra sa prise autour de sa taille, elle se tourna vers lui et plongea dans ses yeux brillants d'angoisse. Elle essaya de le rassurer par la force de son regard, par la confiance du sourire qu'elle s'attelait à maintenir.