CHAPITRE 9 - Protéger les racines

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Skuma

S'arracher aux bras de Tialvo n'avait jamais été aussi dur que ce jour-ci. Chaque fois qu'elle était sur le point de s'en aller, l'un ou l'autre trouvait un nouveau prétexte pour retarder le départ, ou voler un baiser. Résultat, elle courait dans les rues de Riparem en priant pour avoir le temps de se préparer avant que ses parents ne viennent la chercher.

La perspective du dîner – et de son probable prétendant – ne parvenait même pas à assombrir ses pensées. Son esprit était tout entier tourné vers les minutes merveilleuses qu'elle venait de vivre. Vers Tialvo, à qui elle venait de se lier encore un peu plus. Tialvo et son sourire, ses baisers, ses mots doux, ses éclats de rire...

Elle poussa les portes de l'Académie d'un geste mécanique, les pieds flottant sur un parterre de fleurs – et non sur la poussière du sentier qui menait au bâtiment des dortoirs. Les lieux étaient déserts : elle ne chercha plus à masquer son sourire. Elle le laissa illuminer son visage, la tête rejetée vers la cime des arbres.

Son allégresse retomba brutalement lorsqu'elle manqua de percuter Kunnias à l'entrée de l'internat. Son cousin fronça les sourcils, mais son expression se dérida lorsqu'il la reconnut.

— Je croyais que tu étais déjà en train de te préparer, s'étonna-t-il. Tes parents et les miens ne vont pas tarder à arriver...

— Je sais, je me suis laissée prendre par le temps en ville. Mais ne t'inquiète pas, je serai prête à l'heure, assura-t-elle avec un sourire.

Elle tenta de s'engouffrer à l'intérieur, mais Kunnias se plaça en travers de son chemin. Sans un mot, il la considéra de haut en bas et fronça les sourcils lorsque son regard s'attarda sur le bas de sa longue tunique.

— Qu'est-ce que tu as fait à tes vêtements ? Ils ont l'air trempés !

Skuma retint un juron et maudit le sens de l'observation de son cousin. Elle avait espéré que le tissu bleu nuit rendrait invisible l'humidité des pans qui avaient traîné dans l'eau, mais c'était sans compter le regard acéré de Kunnias.

Son cerveau tourna à toute allure, puis elle se composa une expression agacée.

— Ne m'en parle pas, je suis allée boire un chocolat chaud dans un salon de thé, et je suis rentrée dans un serveur qui a renversé son plateau sur moi !

Les traits du visage de Kunnias restèrent de marbre. Skuma n'avait jamais autant détesté l'aptitude de son cousin à garder une expression placide en toute circonstances.

Ce dernier se contenta d'arquer un sourcil.

— Il devait transporter beaucoup de boisson, vu l'état de ta tunique...

— Dois-je préciser que c'était la commande d'une famille de six ? grimaça-t-elle en poussant un soupir.

Kunnias la considéra quelques secondes, puis il laissa affluer à ses lèvres un léger sourire moqueur. Skuma retint un soupir de soulagement.

— Je ne vais pas te retenir plus longtemps alors. Tu vas avoir besoin d'une bonne douche, surtout si tu veux...

Il s'interrompit net et détourna le regard.

— Surtout si je veux quoi ?

Le ton de sa voix était sans appel. Ce fut sans doute ce qui poussa Kunnias à finir sa phrase.

— Surtout si tu veux faire bonne impression au neveu du préfet, conclut-il d'un ton gêné.

Une crispation tordit l'estomac de Skuma. Alors son pressentiment s'avérait juste : ses parents s'étaient bel et bien lancés dans la chasse au mari parfait. Les yeux bruns de Kunnias s'adoucirent.

Le Champ de lys - PRÉQUELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant