CHAPITRE 8 - Arroser les graines

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Tialvo

Depuis deux semaines, le soleil brillait plus fort. Le ciel était plus bleu, le parfum des fleurs plus vif, le chant des oiseaux plus mélodieux. Depuis deux semaines, Tialvo vivait dans la plus belle ville du monde.

Une ville qui se transformait en rêve fleuri tous les deux ou trois jours, lorsqu'il retrouvait Skuma au bord de la rivière. Lorsqu'elle le caressait de son regard flamboyant, lorsqu'il faisait naître un sourire malicieux sur ses lèvres, lorsqu'ils discutaient de choses sérieuses et ridicules, lorsqu'il la couvrait de baisers, qu'elle laissait courir ses doigts sur sa peau, dans ses cheveux...

Leurs entrevues n'étaient jamais très longues. Du moins, jamais aussi longues qu'ils l'auraient voulu. Impossible de se voir plus d'une heure, parfois deux, sans éveiller les soupçons d'Elhonro, de Pazina et des camarades de Skuma. Les minutes filaient comme des étoiles, et lorsque venait l'heure de la séparation, il avait l'impression que jamais il ne pourrait supporter d'attendre jusqu'à la prochaine fois. Et pourtant, il attendait quand même. Il comptait les jours, les heures, son cœur fourmillait de plus en plus à mesure que la date bénie se rapprochait. Puis, enfin, il s'élançait dans la rue en s'efforçant de ne pas afficher un sourire trop lumineux – ou trop stupide.

Comme maintenant. Il ne lui restait que quelques rues à parcourir, et il arriverait au pont des Naufragés. Il arriverait, il l'attendrait – il était presque toujours le premier – il imaginerait cent fois son visage, le feu de son regard, le piquant de son sourire, le goût de ses lèvres, la douceur de ses mains... Puis elle arriverait, une flamme dansant dans ses yeux noirs, et il serait au paradis pendant une heure.

Je suis vraiment fichu.

Une pluie d'étincelles tourbillonna dans son ventre, tandis que son sourire s'élargissait. Fichu, il l'était depuis bien longtemps, sûrement depuis la seconde où il avait croisé ses yeux. Ça ne l'empêchait pas d'en redemander toujours davantage.

Enfin, il emprunta le chemin qui menait jusqu'à la rivière, et s'engagea au milieu des saules pleureurs qui dissimulaient le pont des Naufragés. Comme d'habitude, il ne croisait plus personne depuis au moins cinq minutes. Lorsqu'il émergea du dernier rideau de feuilles, une myriade de bourgeons fleurit dans son ventre.

— Tu es en retard, lança Skuma, une main sur la hanche.

Ses yeux brûlaient. Deux semaines, et ses yeux brûlaient toujours lorsqu'elle le voyait. Il ne fallut qu'une seconde pour que sa peau frissonne et que son cœur s'embrase.

Mais hors de question qu'elle le remarque trop facilement.

Il s'avança jusqu'à elle d'un pas lent, puis s'arrêta à quelques pas. Suffisamment près pour embrasser ses mains, mais pas ses lèvres. D'un geste désinvolte, il sortit de la poche de son pantalon la petite montre que lui avait offert Elhonro pour son dernier anniversaire, puis présenta le cadran à la jeune fée.

— Je suis pile à l'heure.

— Pour toi, être à l'heure, c'est être en retard, déclara la jeune fée en croisant les bras.

Tialvo saisit sa main et l'attira à lui. À sa grande satisfaction, elle se laissa faire sans aucune résistance.

— Que dois-je en déduire ?

— Que je suis extrêmement contrariée. Et que tu vas devoir te faire pardonner.

Il haussa un sourcil, et son sourire s'élargit. Il se pencha légèrement vers elle et se mit à jouer avec une mèche échappée de sa tresse.

— D'être arrivé à l'heure ? demanda-il d'un ton innocent.

— De m'avoir fait penser pendant une seconde que tu ne viendrais pas, souffla-elle en le dévorant des yeux.

Le Champ de lys - PRÉQUELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant