CHAPITRE 7 - Écarter les nuages

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Skuma

Il avait été stupide de venir jusqu'ici. Il aurait suffi que quelqu'un décide de rentrer plus tôt de la fête, qu'un surveillant fasse un tour dans les jardins, que la bibliothécaire passe la tête par la fenêtre...

Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là Il est là

Elle devinait à la lumière des lanternes ses cheveux flamboyants, la courbe de son sourire, les traits de son visage à moitié cachés dans l'ombre. Son cœur se mit à palpiter à toute allure.

Elle retint un soupir désabusé. Elle venait de passer les dix dernières minutes à se convaincre qu'il était préférable qu'elle ne le revoit jamais, pour leur bien à tous les deux. Elle venait même de réussir à le chasser de son esprit pendant au moins deux minutes ! Lui, le bleu solaire de ses yeux, la douceur de son visage, la fougue de ses baisers, la lumière de son rire...

Et voilà qu'il apparaissait juste sous son nez. Visiblement, ils étaient aussi idiots l'un que l'autre.

Elle avait le plus grand mal à empêcher le sourire de son cœur de remonter jusqu'à ses lèvres.

— Tu es complètement fou, souffla-t-elle, penchée sur la rambarde. Pourquoi est-ce que tu es venu ?

— Je voulais te voir. J'espérais te voir, corrigea-t-il avec un sourire encore plus grand.

Il fit un pas pour se rapprocher d'elle. Skuma sentait son regard sur elle comme si c'était ses mains. Une infinité de fourmillements courait sur la surface de sa peau. Elle se colla davantage au balcon – si c'était possible. Le vide qui la séparait de lui devenait de plus en plus insupportable.

Même si c'était peut-être mieux ainsi. S'il s'était tenu juste devant elle, le reste de bon sens qu'elle possédait encore aurait volé en éclats en quelques secondes.

— Tu n'aurais pas dû venir, rétorqua-t-elle. Si quelqu'un te trouve ici... Par Solila, tu n'aurais pas dû venir, répéta-t-elle dans un murmure.

Il la regarda sans rien dire pendant quelques secondes. Ses paroles ne semblèrent pas le décourager. À vrai dire, elles ne semblèrent pas l'affecter le moins du monde.

— Si je puis me permettre... Tu n'as pas l'air très convaincue par ce que tu dis, répondit-il, un sourire dans la voix.

Elle écarquilla les yeux avant de sentir son sourire s'élargir, son sourire qu'elle n'avait même pas remarqué jusqu'ici, qui avait réussi à se former malgré ses efforts. Elle plaqua sa main devant sa bouche, ce qui eut l'effet inverse. À présent, impossible de ravaler le sourire que sa paume s'efforçait de masquer. Elle renonça bien vite et enleva sa main.

— Moi aussi, je voulais te revoir, avoua-t-elle. Mais pas ici, pas en plein territoire noxain ! Je suis sérieuse, tu as de la chance que presque tout le monde soit à la fête ! Mais si quelqu'un t'attrape, je n'ose même pas imaginer ce que Kunnias te fera subir...

— Je m'en fiche, coupa Tialvo.

— Pas moi, protesta-t-elle. Il est hors de question qu'il t'arrive quelque chose par ma faute. Va-t-en d'ici !

— Et ne plus jamais te revoir ? Non merci.

Tout en disant ces mots, il se rapprocha d'un pin dont les branches s'élevaient à quelques mètres de la terrasse. Il entreprit de grimper sur la première branche avec une aisance assez admirable.

— Qu'est-ce que tu fais ? Va-t-en, je suis sérieuse ! Et puis tu m'as vue maintenant, non ?

— Pas assez à mon goût, répliqua Tialvo en se redressant sur sa branche pour la regarder, les yeux rieurs. Impossible d'avoir une vue correcte d'en bas, il faut que je me mette à ton niveau !

Le Champ de lys - PRÉQUELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant