CHAPITRE 13 - Les nuages s'amoncellent

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Tialvo

Le cauchemar se resserrait autour de lui. À la seconde où des regard étrangers avaient violé leur bulle d'intimité, il avait compris que rien ne serait désormais pareil pour Skuma et lui. Mais il n'aurait jamais imaginé déclencher une énième bagarre entre Hémériens et Noxains. Entre Elhonro et Kunnias.

Il savait que ce combat-ci n'aurait rien à voir avec les précédents. La violence qui grondait dans les regards, les gestes et les paroles avait été bien trop importante. Les mots crachés ne pouvaient être effacés que par les coups. Les sentiments étaient bien trop forts.

La rancune que lui vouait Kunnias menaçait de tout dévaster sur son passage. L'amour que lui portait Elhonro pouvait faire autant de dégâts : son beau-frère ne reculerait devant rien pour le protéger. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle, malgré ses efforts acharnés, Tialvo n'avait pas réussi à obtenir la moindre information sur l'heure ou le lieu du combat.

— Ne gaspille pas ta salive, prévint Elhonro en le voyant s'approcher de lui. Tu n'as rien besoin de savoir.

— Mais il faut que je vienne, répondit Tialvo d'une voix presque suppliante.

— Bien sûr, pour que Kunnias t'envoie dans la tombe ? Il a beau garder son sang-froid la majorité du temps, il est dangereux. Il est inconscient, entêté, et rongé par la rage. Hors de question que tu t'approches de lui. De toute façon, je crois que tu en assez fait, conclut-il en posant sur lui un regard sévère.

Tialvo tenta de garder une voix égale, de ne pas laisser transparaître son agacement, mais il ne put retenir un soupir.

— Justement, c'est à cause de moi que vous en êtes arrivés là...

— Et de cette fée.

— D'accord, c'est à cause de nous, accepta-t-il en serrant les poings. C'est donc à nous d'arranger les choses ! Il doit bien y avoir un moyen d'apaiser Kunnias, d'éviter l'affrontement... Je dois bien pouvoir faire quelque chose !

Il passa une main nerveuse sur son visage et fit quelques pas dans la pièce. Oui, il devait bien pouvoir faire quelque chose. Mais il ne savait pas quoi. Elhonro se leva et se posta devant lui. Un sourire triste habillait son visage, et Tialvo crut distinguer dans ses yeux une lueur de tendresse.

Sonhadrio, c'est trop tard. Tu as entendu Kunnias, tu as vu sa réaction. Tu aurais pu lui dire tout ce que tu voulais, promettre de ne plus jamais approcher sa cousine, il considère que l'offense est déjà trop grande.

Tialvo baissa la tête, incapable de supporter plus longtemps le regard de son beau-frère. Il n'avait jamais voulu en arriver là. Il n'avait jamais pensé en arriver là. Elhonro posa doucement ses mains sur ses épaules.

— Ce n'est pas ta faute. Du moins, pas entièrement. Ce n'était qu'une question de temps avant que la bombe n'explose. Il y a trop de pourriture dans cette ville depuis bien trop longtemps. Ton aventure avec cette Noxaine n'a été que le déclencheur.

— Elle s'appelle Skuma, murmura Tialvo d'un ton vif en levant la tête.

Le simple fait de prononcer son nom enveloppa son cœur d'un doux frémissement pendant quelques secondes. Le monde s'illumina fugitivement. Un éclair de surprise passa sur le visage de Elhonro.

— Skuma, d'accord, répondit-il prudemment. Mais peu importe. Je sais que ça fait mal, je sais que ça te révolte, je sais que ce n'est pas normal, mais vous ne pouvez pas être ensemble. Ce qui s'est passé hier en est la preuve, insista-t-il d'une voix douce.

Devant l'absence de réaction de Tialvo, il s'éloigna en poussant un soupir.

— Toujours est-il que dans un sens, c'est une bonne chose que ce combat ait lieu. Ce sera l'occasion de prouver une bonne fois pour toutes à ces Noxains qu'ils ne sont pas tous seuls et que la ville ne leur appartient pas. Ils nous menacent et nous manquent de respect depuis bien trop longtemps.

Le Champ de lys - PRÉQUELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant