𝚅𝙸 | 𝙴𝚕𝚕𝚒𝚘𝚝

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"Parce que, tu vois, les crayons cassés
colorent encore."

   La pluie s'abat violemment sur la fenêtre à ma gauche se mélangeant aux explications insensées du prof. Chaque goutte frappe le verre avec une intensité qui semble croître à chaque seconde, rendant de plus en plus difficile de se concentrer sur les paroles monotones qui résonnent dans la salle de classe.

Mon regard dérive vers les rideaux verts qui se balancent légèrement au rythme du vent extérieur. La pièce semble s'assombrir sous l'effet de la tempête, et les lumières artificielles vacillent, projetant des ombres dansantes sur les murs blancs.

Je jette un coup d'œil furtif à mes camarades. Certains essaient vainement de prendre des notes, leurs visages figés dans une expression de concentration forcée. D'autres, comme moi, ont abandonné la lutte, leurs esprits s'évadant à travers la fenêtre battue par la pluie. Un frisson me parcourt l'échine, non pas à cause du froid, mais à cause de cette sensation étrange qui imprègne chaque mur de cette salle de classe.

Le professeur continue de parler, sa voix un murmure lointain à travers le bruit assourdissant de la pluie. Ses mots deviennent de plus en plus flous, se perdant dans le fracas des éléments. Ce n'est que la première heure de la journée et pourtant j'ai déjà l'irrésistible envie de quitter cet établissement. Un sentiment de claustrophobie m'envahit soudainement. Je suis prisonnier de cet espace, de ces heures interminables, de cette routine qui me pèse plus chaque jour.

– Mademoiselle Anderson, pourriez-vous répéter ce que je viens de dire ? Demande finalement le professeur.

Elle relève la tête de ses bras et murmure quelques syllabes inaudibles provoquant le rire de plusieurs personnes.

– L'inconscient est.. uhm.. nous console..

– Est-ce que l'inconscient nous console du désordre de notre conscience, je vois que vous vous rappelez du chapitre de la semaine dernière mademoiselle, j'en suis ravi.

Elle n'a même pas le temps de reposer sa tête sur ses avant-bras que toute la classe rit déjà. Et le prof ne fait rien. Ils ne font jamais rien. Ça a commencé avec quelques rires venant des plus populaires puis la semaine d'après ils lui ont claqué la main dans un casier. Mais dans tous les cas, ils n'ont pas bougé d'un millimètre, même quand ça se passait devant eux.

Ils l'ont jeté en enfer puis lui ont reproché de ne pas être au paradis.

C'est ce qui se passe à chaque fois. Les plus puissants t'apposent une étiquette sur le front, révélant ton pire défaut, mais omettent d'en mettre une qui explique tout ce que tu as vécu pour en arriver là. Certains actes, certains défauts sont impardonnables, mais ce ne sont jamais ceux qui figurent sur l'étiquette. Ils mentent parfois, bien plus souvent qu'on ne le pense en réalité. Ils tentent de nous convaincre qu'une étiquette ne peut être retirée une fois posée, et ainsi, aucun de nous n'ose vérifier si elle est véridique. Nous avons peur, peur de nous retrouver avec la même étiquette immonde et humiliante alors on ne cherche pas à savoir si celui qui l'a collé a dit la vérité.

On n'aide pas les autres par crainte que si nous tombons avec eux, personne ne vienne à notre secours. On les laisse se noyer par peur de sombrer dans les abysses à leurs côtés.

Parce que c'est plus simple, moins risqué.
Pourtant, cela ne nous rend pas plus heureux. En fait, c'est tout le contraire. Nous souffrons de voir les autres souffrir, et il n'y a pas de remède à cela. Nous devons simplement nous habituer à cette douleur et la maîtriser pour qu'elle ne détruise pas ce qu'il reste de l'enfant heureux et innocent que nous étions autrefois.

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