𝚇𝚇 | 𝙴𝚕𝚕𝚒𝚘𝚝

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"Juste parce que vous comprenez
la douleur et le comportement de quelqu'un,
ne signifie pas que vous avez à le tolérer."





Cleveland, 19h27, 17 octobre
1 er jour du voyage





   Je suis en retard. Comme d'habitude. Sauf que cette fois-ci, ce n'est pas simplement moi qui traîne. Cupide est avec moi, et je sais qu'elle n'aime pas être au centre de l'attention. Les profs nous ont demandé de nous retrouver au restaurant de l'hôtel, mais après avoir mis une éternité à se préparer, on est les derniers à arriver.

   Je jette des rapides coups d'œil à Cupide en route. Ses yeux brillent d'une lueur d'anxiété que je reconnais bien. Je l'ai vue en classe, essayant de disparaître dans le fond de la pièce, se tortillant à chaque fois que quelqu'un lui parle directement. Les regards sont sa bête noire. Je ne peux pas m'empêcher de la remarquer maintenant, avec son anxiété palpable qui s'intensifie à chaque pas que nous faisons vers le restaurant.

   On arrive devant la porte, et je peux voir à travers la fenêtre que les autres élèves nous regardent déjà. Il faut croire qu'on est l'attraction du jour. Je peux sentir la tension monter chez Cupide, alors que ses épaules se crispent et que ses mains tremblent légèrement. Elle est loin d'être à l'aise avec toute cette attention. Je jette des regards furtifs vers elle, essayant de savoir si elle préférerait qu'on s'en aille.

   En me dirigeant vers la table où je vois les profs installés, je fais un petit signe de tête à Cupide pour lui montrer que c'est là notre seule option. Les autres tables sont toutes occupées et, je le sais, nos profs sont très à l'aise avec le fait qu'on se joigne à eux. Je peux voir Madame Keating, toujours aussi souriante, en train de discuter avec Monsieur Wilson, Monsieur Brown et une autre prof que je ne connais pas.

Alors qu'on s'approche de plus en plus de la table, Madame Keating lève le regard vers nous alors que son sourire illumine un peu plus son visage. Elle nous a fait signe de nous installer à une des chaises libres autour de leur table.

   Je me tourne vers Cupide pour l'encourager à s'asseoir, tout en essayant de maintenir une certaine aisance dans mon attitude. Il y a quelque chose de rassurant à être avec les profs — après tout, ils ne sont pas là pour nous juger, mais simplement pour encadrer notre voyage.

   Madame Keating nous invite à nous plonger dans le programme de la semaine à venir. Je l'écoute distraitement, mes yeux se portant souvent vers Cupide. Son visage est tendu, et je peux voir qu'elle est mal à l'aise, les lèvres pincées et les mains crispées autour de sa serviette. Les conversations autour de nous, la foule des autres élèves, tout cela semble peser sur elle. Je pense que c'est surtout l'agitation du moment qui la dérange, entourée de tant de gens, et non pas les profs ou les activités. Après tout, c'est souvent le cas avec elle lorsqu'elle se trouve en groupe.

   Je retourne mon attention vers Madame Keating, qui continue à expliquer les détails avec une énergie contagieuse. Puis soudain, le bruit métallique d'une cuillère qui tombe fit sursauter toute la table.

   J'observe la cuillère rouler sous la table et m'apprête à me pencher pour la ramasser lorsque je remarque que Cupide est devenue encore plus nerveuse. Ses lèvres tremblent visiblement, et son regard cherche le mien avec une intensité désespérée. C'est comme si elle était sur le point de craquer, et cela ne me plait pas du tout.

   Ses yeux se fixent sur moi, et il y a dans son regard une supplique silencieuse qui me serre le cœur. Elle semble vouloir dire quelque chose mais n'en a pas la force ou l'opportunité.

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