𝙸𝚇 | 𝙲𝚞𝚙𝚒𝚍𝚎

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"Les enfants qui viennent de familles
dysfonctionnelles n'ont pas
de grands rêves.
Ils rêvent seulement d'avoir une maison."







   – Ta semaine s'est bien passée en dehors du lycée ? Demande calmement  Mademoiselle Johnson tandis qu'elle replace l'une de ses mèches blondes derrière son oreille.

   Je hoche simplement la tête, lui adressant un léger sourire qu'elle me rend automatiquement. Ses yeux semblent scruter les miens, cherchant désespérément un signe de progrès ou une brèche dans mon mur de silence. Je sens la fatigue m'envahir, chaque muscle de mon corps lourd et engourdi. Ce rendez-vous, comme les précédents, n'a été qu'un échange de regards et de sourires forcés, sans le moindre mot prononcé de ma part. Elle s'installe un peu plus confortablement dans son fauteuil, croisant ses jambes et notant quelque chose dans son carnet. Je perçois la pression implicite de ses attentes, mais je suis épuisée, vidée de toute énergie.

   Je sais qu'elle attend de moi que je parle, que je mette des mots sur ce qui me ronge de l'intérieur. Pourtant, les mots restent coincés, encore une fois, refusant obstinément de franchir la barrière de mes lèvres. J'entends son stylo gratter le papier et je me demande ce qu'elle peut bien écrire sur moi. Est-ce qu'elle pense que je suis un cas perdu ? Que je ne fais aucun effort ?

   Le silence s'éternise, lourd et oppressant. Je détourne le regard vers la fenêtre, cherchant un échappatoire dans le mouvement des feuilles dehors. Le monde continue de tourner, indifférent à mon malaise intérieur. Je sais que l'heure touche à sa fin, et cela me soulage autant que cela me pèse. Chaque séance est une lutte intérieure entre le désir de m'ouvrir et l'incapacité de le faire.

   Finalement, elle brise le silence, sa voix douce et compréhensive résonnant dans la pièce :

   – On va arrêter là pour aujourd'hui. On se revoit la semaine prochaine, d'accord ?

   Elle me regarde avec une douceur qui accentue encore plus ma culpabilité de ne rien dire. Je me lève lentement, rassemblant mes forces pour esquisser un sourire de remerciement.

   – Prends soin de toi, ajoute-t-elle en me raccompagnant vers la porte.

   Je quitte le cabinet, sentant le poids de l'échec s'ajouter à ma fatigue. Le chemin du retour semble interminable, chaque pas un effort immense. Je me demande si un jour, je trouverai le courage de briser ce silence, de libérer enfin les mots qui m'étouffent. Mais pour l'instant, je me contente de survivre, un rendez-vous à la fois.

   Après plusieurs minutes à marcher sous le froid et la pluie, je me retrouve finalement devant la grande façade blanche de la maison. Cette blancheur immaculée, loin d'apporter une quelconque impression de pureté ou de sérénité, dégage une tristesse accablante. Les murs semblent absorber toute la lumière environnante, créant une atmosphère morne et oppressante. Cette façade austère est le reflet parfait de l'ambiance qui règne à l'intérieur.

   Mais alors que je m'avance de quelques pas vers la porte, mon corps se fige complètement lorsque des cris provenant de l'intérieur se font entendre jusqu'ici. Mon cœur se serre en reconnaissant la voix de ma mère. Cette maison, censée être un sanctuaire de paix et de réconfort, résonne en réalité de disputes et de cris à longueur de journée. À chaque pas, l'idée de m'y réfugier après mon rendez-vous chez la psychologue semble de plus en plus utopique.

   La douleur dans ma poitrine s'intensifie et je suis déjà tentée de faire demi-tour, de retourner à l'endroit où, paradoxalement, je me suis sentie écoutée et comprise. Mais je sais qu'il faut affronter cette réalité, même si cela signifie plonger tête la première dans le chaos familial.

UNSTABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant