NOS SECRETS

CHAPITRE 27

Péniblement, je parviens à ouvrir les yeux en gémissant.

Le tonnerre éclate et me fait sursauter. Cette fois-ci, je n'ai pas besoin de papillonner des yeux pour habituer ma rétine à la lumière puisque je suis dans une pièce qui est complètement plongée dans le noir, ou presque. Je suis toujours dans ma chambre. Seul dans le lit et, seulement éclairé par cette petite lampe de chevet qui diffuse un doux faisceau de lumière. Constatant que j'ai dû m'évanouir - encore - je lâche un profond soupir à la fois de résignation et d'exaspération.

Et moi qui avais l'espoir que cette grossesse se déroule différemment.

En tournant la tête sur la gauche, je vois Sasuke assis sur le fauteuil situé non loin de la baie vitrée de la chambre. Il semble être profondément endormi. Dehors, la nuit est bien avancée. En dépit de la pluie qui bat contre la vitre, je peux quand même voir la lune haut dans le ciel. Mon regard revient presque tout de suite à Sasuke lorsqu'il emet un petit gémissement. Il fait peut-être un cauchemar. Je me fige quelques minutes le temps d'observer avec attention sa réaction. J'attends le moindre froncement de sourcil, frisson ou gémissement, mais rien ne vient. Il dort du sommeil du juste.

Ne pouvant cependant me défaire de mon inquiétude, j'essaie de me déplacer sur le lit afin d'accéder à son rebord. Je veux juste être prêt de lui; qu'il sache que je suis là. Malheureusement, mes plans sont contrariés par le cathéter dans mon bras que je n'avais pas remarqué. Relié à une poche de je ne sais quel substance transparente, il m'est impossible de faire le moindre mouvement sans tirer dessus. J'expulse un nouveau soupir. Plus profond que le précédent mais témoignant de la même exaspération.

-Ouais, c'est vraiment un retour à la case départ. Je murmure pour moi-même.

Ça me rappelle ma grossesse pour Himiko. J'avais été alité pendant une bonne partie pour ne pas dire la quasi totalité. J'ai détesté chaque jour où j'ai été enceinte. J'aime profondément ma fille mais, j'ai très mal vécu sa gestation. Ce constant sentiment de faiblesse et de fatigue. Ne pas pouvoir bouger comme je le veux, ne pas pouvoir me défendre ... Quel enfer ! J'ai prié pour que je ne revive jamais cela.

J'essaie de ravaler ma frustration afin de ne pas tirer sur le fil. Bien que je suis saisis par une irrépressible envie d'arracher cette merde de mon bras, je parviens tout de même à garder un semblant de calme. Doucement, je redresse le dos en tendant le bras pour décrocher la pochette du petit crochet au dessus de mon lit. Il me faut au moins quatre tentatives avant d'y arriver. Les muscles brûlants et la respiration courte, je me rallonge sur le dos complètement à bout. Je ferme les yeux alors que j'ai l'impression que mon cerveau est en train d'être passé au mixeur.

Mon corps a besoin de temps et d'attention. Je ne peux pas faire comme si de rien était et agir normalement. J'ai un petit bébé fragile qui grandit en moi. Il a besoin de temps. Il faut que je trouve la patience en moi pour ne pas céder à une crise de nerfs. Je peux le faire. J'ai su trouver la volonté pour Himiko, je peux le refaire.

Je me répète en boucle des paroles rassurantes et positives le temps que la tempête passe. Ce qui est dur ce n'est pas l'inconfort physique mais toute cette souffrance psychologique que j'endure au quotidien. Rare sont les gens qui connaissent la frustration de ne pas se reconnaître dans son propre corps. Ce sentiment de haine et de pur dégoût qui vous envahi lorsque vous croisez vôtre reflet dans la glace, sans oublier cette frustration permanente qui accroît un peu plus chaque jour la haine que j'ai envers moi-même. Une frustration née de ce sentiment d'impuissance. C'est. un cercle vicieux. Je n'éprouve pas tous ces sentiments quand je ne suis pas enceinte. Je sais que les hormones de grossesses y jouent pour beaucoup, je suis pas mal à fleur de peau. Mais, il n'y a pas que ça. Je déteste être enceinte parce que ça me donne l'impression d'être la gonzesse de mon couple . Et je peux vous assurer que je suis bien un mec. Mon pénis en témoigne.