Prologue

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Kraftig

Un grand malheur allait s'abattre sur les quatre royaumes et je ne pourrais rien y faire, je l'avais vu. Et dans cette vision il y avait mon frère, Kriger. Il entrait dans ma grotte et la catastrophe se produisait. Ça ne faisait aucun doute que tout allait être de sa faute. Il avait déjà tenté de prendre le pouvoir, cent ans auparavant, et de nous deux c'était lui le mauvais, comme ça, sans raison. Il était juste maléfique et moi bon. Lui le yin et moi le yang.

Nos créateurs, les dieux, nous avaient façonnés ainsi et nous le resterions jusqu'à la mort ; si nous pouvions mourir, car cela faisait déjà mille-neuf-cent-quatre-vingt-neuf ans que nous existions ! Enfin bref, m'attendant à une attaque, j'avais sécurisé la grotte en la remplissant de pièges.

Mon frère se montra au pied de ma montagne vers midi. Son armure, qui épousait la forme de ses muscles saillants, scintillait au soleil. Il commença à escalader et je poussai une gigantesque roche dans le vide. Elle dévala la pente mais manqua sa cible de peu. Déterminé, j'en envoyai une autre sans attendre, sans plus de résultats. Il l'avait brisée d'un coup de poing. Prévisible.

Je saisis quelques-uns de mes couteaux de lancer en améthyste et, une fois qu'il fut suffisamment près, je le mitraillai. Beaucoup ricochèrent sur son armure mais certains s'enfoncèrent dans sa chair. Il ne broncha même pas et continua de grimper, imperturbable.

Je poussai un gros cristal qui explosa à ses pieds, fissurant la roche qui commença à s'écrouler. Il fit de gigantesques sauts qui lui évitèrent de s'écraser en bas. Il allait arriver à ma grotte quand je me jetai sur lui, nous faisant tomber de quatre mille mètres. Je profitai de ma vitesse légendaire pour enfoncer les couteaux qu'il avait reçus jusqu'à l'os. Il hurla de douleur. Je le poussai et fis un grand bond pour atterrir sur une plateforme. Kriger s'écrasa sur un relief en contrebas.

Enragé, il se mit à courir dans ma direction, escaladant la falaise qui nous séparait à toute vitesse. Il tenta de me porter un coup que j'esquivai avant de le cribler de frappes rapides presque sans effets. Il était trop lent et moi trop faible pour que nous puissions nous faire de réels dégâts. Le combat dura deux heures sans qu'aucun de nous deux ne l'emporte. Lorsque nous nous arrêtâmes, essoufflés, je lui demandai :

— Que veux-tu ?

— Devine !

— Je n'ai pas le temps de jouer. Sois clair, qu'on en finisse.

— Hahaha ! D'habitude tu es plus patient.

Je soupirai, las de ses enfantillages.

— Si tu n'as rien à me dire, vas-t'en.

— Bien sûr. Sauf que j'ai quelque chose à te dire.

Je dégainai un nouveau coutelas.

— Dépêches-toi.

— Ohoh ! Du calme, mon vieux ! Tu te souviens de mes robots ? Tu sais, les bidules en métal qui peuvent t'éventrer ? Et ben y'en a un qu'a ton précieux.

Je blêmis.

— Le totem ?

— À ton avis ? Bien sûr que c'est lui !

Je tremblai sous le coup de la colère, serrant mes poings à m'en faire blanchir les jointures. Je fis volte-face en quelques millisecondes, prêt à rattraper le voleur de métal, lorsqu'une fléchette se planta dans mon épaule, répandant son fluide froid en moi. Un drone, je m'étais encore fait avoir par un de ses horribles drones.

Je déglutis. La tête me tournai affreusement.

— Bonne nuit ! ricana mon frère.

À bout de forces, je chutai du haut de la falaise pour aller m'écraser contre une roche cinq cent mètres plus bas. Le choc fut extrêmement violent et je m'évanouis.


Le Totem - T1 - Une ère de haineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant