Chapitre 2

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Robert

Je me suis levé, ai avalé mes tartines beurrées, et suis parti bosser. J'habitais à Poissonia Village, une industrie de pêche en bordure du Grand Océan. Elle était tellement importante que des centaines d'employés venus des quatre royaumes y travaillaient et que leurs habitations couvraient plusieurs kilomètres carrés.

Lorsque je sortis de chez moi, il n'y avait presque personne dans les rues. J'adorai l'ambiance tranquille qui enveloppait le village, elle me détendait avec la même efficacité qu'un bon café. Je m'assis sur un quai et jetai l'appât de ma canne à pêche dans les eaux froides du port.

Soudain, un cri d'horreur résonna. C'était sûrement pas grand-chose, je n'allai pas bouger pour ça. J'aimais l'eau et les daurades du coin étaient mon salaire, plus j'en aurai, plus je pourrai me permettre de poser des congés.

Quelques instants plus tard, une étrange sensation de froid me prit dans le dos. Je me relevai et tombai nez à nez avec une grenouille armée d'un couteau. Dressée sur ses deux pattes arrières, elle me toisait du haut de son mètre vingt, l'air étonnée que je n'y sois pas passé. C'était mal connaître les cochons. Une épaisse couche de graisse nous protégeait des coups et la lame n'avait même pas atteint ma chair. Je tentai de lui mettre une droite mais elle esquiva et réessaya une attaque. C'est alors que je lâchai un gros pet qui la fit s'évanouir. J'adorai mes pouvoirs de stade quatre ! Un groupe de personnes affolées débarqua.

— Elle ne vous a rien fait ? s'inquiéta l'une d'elles.

— Non, elle n'avait aucune chance face à moi.

— Vous l'avez...

— Non, je lui ai juste pété dessus. Elle est dans les vapes.

— Tant mieux, elle a déjà tué un lézard et un serpent et n'avait pas l'air prête à s'arrêter. Je vais l'amener à Mr Hyke.

Et elle partit vers le bureau du patron avec la batracienne sous le bras. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Ce métier n'était pourtant pas du genre à rendre des gens fous. Peu importe. Je me remis à pêcher, quand d'autres cris retentirent.

Ça commençait à bien faire. Je me dirigeai vers leur origine et tombai sur le groupe de tout à l'heure en train de s'étriper. Du sang était étalé partout dans la rue, des cadavres peuplaient les flaques rougeâtres et des organes prenaient l'air.

— C'est quoi ce bordel ?! demandai-je.

Ils arrêtèrent leurs tueries et se tournèrent dans ma direction.

— Ils nous avaient mal regardés, expliqua un élan.

— Ouais, autant hier, je pouvais supporter les créatures de l'air et de l'eau, autant aujourd'hui j'ai envie de les buter, le soutint une girafe.

— Allez, dispersez-vous ! ordonnai-je.

— On les tuera tous ! m'ignora un tigre.

À ce moment précis, un couteau lui traversa la tête. Il venait d'un pélican sur un toit. C'était affreux, une véritable boucherie entre honnêtes camarades de travail. Que se passait-il ? Aucune fureur ne m'animait, à moi. Je crois que j'étais bien le seul. Je me rendis le plus vite possible au bureau du directeur et ouvris violemment la porte.

C'était un guépard aux pattes pleines de sang. À ses pieds se tenait le cadavre du type de tout à l'heure. La grenouille reposait dans un coin.

— Monsieur Hyke... Qu'est-ce que...

Il sortit les griffes, prêt à me sauter dessus.

— Monsieur...

Il bondit et me plaqua au sol. Fort heureusement, un gros gaz sauva ma jugulaire, le laissant complètement inconscient. Je rêvai, c'était pas possible. Il fallait que je me réveille. C'était forcément un mauvais rêve. Je quittai les locaux de la direction et tombai sur des scènes de combats violents et sanguinaires. Le monde avait perdu la tête. Il fallait fuir, fuir très loin.

Je me précipitai à mon appartement et fis un grand sac où je mis le peu de biens m'appartenant. Je sortis de l'agglomération et m'enfonçai d'un pas pressé dans les Marais Boueux.


Le Totem - T1 - Une ère de haineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant