Chapitre 13

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Michel

L'ambiance était pesante et les hautes maisons devant les fenêtres n'arrangeaient rien, condamnant la pièce à l'obscurité. Je décidai donc d'agir :

— Il nous faut faire le point. Pourquoi ne formons-nous pas une équipe soudée digne de ce nom ?

— Parce qu'on est pas soudés, donc on peut pas être dignes du nom, répondit platement Julien.

— D'accord, je vois ! Tu t'en fiche ! Suis-je le seul à souhaiter une bonne dynamique de groupe ?

— D'accord, je vais te dire ce qui va pas : tu ne sais pas t'amuser. Et c'est la même chose pour l'autre gradée.

— Parce que se saouler, finir au poste et nous retrouver avec la police sur le dos c'est s'amuser ?!

— Au moins on s'est bien marrés !

Je lui lançai un regard noir.

— Je dois avouer que je suis impressionnée, se moqua la sergente, la thérapie de groupe a duré moins d'une minute.

— Tais-toi !

Il y eut un grand silence lourd de tension qui dura près d'un quart d'heure, avant d'être brisé par l'arrivée des deux porcs et de la nourriture.

— Alors, les amis, lança Robert, nous avons des baies, du pâté, du pain un peu dépassé, un lapin à réchauffer et des herbes aromatiques. Bon, c'est pas de la grande qualité, mais c'est pas cher.

Soudain il remarqua nos faces de zombies.

— Sérieusement ? Papa Bébert vous laisse ensemble vingt petites minutes et vous vous engueulez ? On est d'accord que vous êtes vraiment des gamins ? Bon, puisque vous êtes irresponsables jusqu'au bout, je suppose que vous ne vous êtes même pas excusés ni expliqués, donc vous allez le faire maintenant. Expliquez vous.

— J'essayai de faire une thérapie de groupe, commençai-je, mais Julien s'est montré réticent.

— Des explications, Julien ?

— J'ai du mal avec les deux, ils savent pas s'exprimer clairement, ils font la gueule... Non, je peux pas les blairer.

— Bien, Moc, des choses à ajouter ?

— Bof, hormis le fait que je soit devenue hors la loi du jour au lendemain à cause d'un porc, pas grand-chose.

— J'établis donc ces règles immuables : Moc, pour une meilleure intégration, nous t'appellerons par ton prénom : Marie. Julien et Jeanne, nous devons accepter Michel et Marie, ça paraît con mais ça doit visiblement être dit. Et on se calme avec la bibine, pas plus de cinq verres. Si nous respectons ces règles, nous devrions passer un agréable voyage.

Tout le monde marmonna mais personne ne protesta.

— Maintenant, on mange !

Finalement un bon esprit s'empara de notre petit groupe et nous redonna le moral. Nous fîmes même quelques parties de rami avec les cartes de Robert.

Le lendemain, nous sortîmes tous les cinq sur la place principale du quartier. Nous hélâmes les passants et nous leur expliquâmes que c'était révoltant que le royaume du feu envoie des enfants se battre depuis cinq jours. Nous réussîmes à obtenir l'adhésion de vingt personnes. C'étaient soit des parents, soit de pauvres types n'ayant plus rien à perdre.

Nous les réunîmes et leur expliquâmes que nous avions pour projet de remonter la grande avenue à cent. Notre mission dans les prochains jours serait d'ameuter le plus de monde possible. Un autre groupe, quant à lui, s'occuperait d'attaquer le château discrètement et de donner une petite frayeur au roi. Ainsi marqués, les esprits devraient s'activer.

Robert décida de partir avec Jeanne et me mit avec Julien et Marie. Nous sortîmes du quartier pour nous diriger vers des plus prestigieux. La journée se résuma à chercher, à travers bars et ruelles, le plus de participants. Bientôt la rumeur qu'une révolution se préparait commença à se propager et de plus en plus de personnes s'ajoutèrent. Le lendemain, nous passerions à l'action.


Le Totem - T1 - Une ère de haineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant