Chapitre 16

1.1K 83 3
                                    

Nath

Je raccroche, l'âme en peine. Qu'un incendie ait pu ravager l'appartement de Sabrina et Marie me plonge dans le désarroi. Dan paraissait perturbé et impuissant face à ce drame. Pour autant, j'ai souhaité le dissuader d'abandonner. Si Sabrina est responsable de l'incendie, intentionnellement ou non, cela ajoute une raison de plus pour que Dan obtienne la garde complète de sa fille. Je comprends la position difficile de Dan mais en tant que son avocate (car oui, je le suis avant tout !) je me dois de garder la tête froide pour nous deux.

Mes parents étaient étonnés de me voir rentrée si tôt de mon rendez-vous avec lui. Lio étant déjà couché, je leur ai expliqué les raisons de son interruption. Ma mère avait l'air dépité, mon père... pas surpris. Le lendemain, j'ai décortiqué les articles presse et j'ai même demandé à mon frère s'il en savait plus mais rien d'autre que je ne savais déjà. Sabrina aurait vraisemblablement laissé une bouteille de vodka s'embraser en son absence.

Même si la décision du juge n'a pas été encore prononcée, je suis déterminée à ajouter le rapport de police au dossier de Dan, mais pour ça, il me faut son accord. Notre rendez-vous a lieu d'ici quelques minutes. Je suis en proie à l'anxiété. Nous n'avons pas rediscuté depuis notre dernier appel et je m'inquiète sincèrement pour lui. Comment vit-il cette situation ? Comment va Marie ? Que va-t-il advenir de Sabrina ?

Lorsque Mireille m'informe que Dan est arrivé, je m'empresse de le faire venir dans mon bureau. Je remarque sa barbe un peu plus longue que d'habitude, ses yeux cernés et ses cheveux en bataille et cette vision me plonge dans le désarroi. Il m'assure que ça va et je m'empresse alors de lui soumettre ma requête.

-C'en est hors de question, répond-il presque sèchement. Je ne me servirai pas de cet incident pour obtenir la garde de Marie.

-Dan, je comprends que cela vous mette dans une position délicate mais vous devez songer à Marie. Imaginez que cela se reproduise et entraine de plus lourdes conséquences ?

-C'était un accident, Sabrina a compris la leçon, elle ne recommencera plus.

-Qu'a-t-elle dit à la police ?

Dan se pince les lèvres.

-Elle a nié en bloc.

-Comment peut-elle nier l'évidence ?

-Je ne sais pas mais... bizarrement, je la crois. Je connais Sabrina, elle n'aurait jamais été aussi négligente.

-Le dossier n'indique aucune trace d'infraction, lui fis-je remarquer.

-Je le sais bien. Mais je la sais incapable d'une telle bêtise.

Je reste silencieuse une seconde. Malgré le comportement de son ex, si Dan juge qu'elle serait incapable d'un tel geste, une part de moi ne peut s'empêcher de le croire. Se pourrait-il alors qu'une autre personne soit responsable de ce feu ? Je pense à Marie mais ce n'est qu'une enfant.

-Y aurait-il quelqu'un d'autre ayant pu accéder à l'appartement ? suggéré-je.

Dan semble réfléchir avant de me répondre d'un souffle :

-Oui, mon collègue et meilleur ami, Franck Ronier. Il est aussi le parrain de Marie, je lui avais donné un double des clés au cas où.

J'hésite une seconde avant de me décider à poser la question fatidique.

-Pensez-vous qu'il aurait pu...

-Non, me coupe Dan agacé, jamais il n'aurait fait une chose pareille.

-Mais, Dan...

-NON, je vous le dis, ça ne peut pas être lui.

Je pince mes lèvres. Il ne sert à rien d'insister. Le sujet est bien trop sensible. Dans tous les cas, tous les faits ramènent la culpabilité vers Sabrina.

-Peu importe, j'ai bien réfléchi et étant donné les circonstances, j'ai décidé de repousser ma demande, le temps que tout se tasse, conclut alors Dan.

-Ok, cédé-je en me rasseyant à mon fauteuil. Je vais faire une demande d'annulation.

-Merci et navré pour tout le mal que vous vous êtes donnée, ajoute-t-il, penaud.

-Ne vous en faites pas, je suis contente d'avoir pu vous aider et si vous changez d'avis, sachez que je reste à votre disposition, dis-je sincèrement.

Dan hoche la tête d'un signe entendu puis il se lève, signe qu'il s'apprête à partir. Même si cela me tord le ventre, je me dois de prendre sur moi. Il n'a pas la tête à ça, il n'a plus la tête à nous et je me dois de respecter la distance qu'il nous impose.

Dan plonge une dernière fois ses yeux clairs dans les miens. Je peux y lire du regret mais je lui souris pour le rassurer. Il me gratifie d'un aurevoir avant que je ne le raccompagne à la porte de mon bureau et qu'il ne s'en aille. Pas de bise cette fois, un simple aurevoir qui n'en est peut-être pas un d'ailleurs, mais plus un adieu.

Une fois dehors, Mireille me regarde avec inquiétude mais je préfère m'isoler pour faire un point sur ce que je ressens, faire le point sur un début de relation qui n'en était pas vraiment un, faire le deuil d'une rencontre extraordinaire avec ce pompier si altruiste et si séduisant. Il me semblait que nous partagions quelque chose, de l'attirance physique, intellectuelle mais les circonstances font parfois que les choses ne fonctionnent pas comme on le voudrait. Je l'ai appris à mes dépens il y a bien longtemps.

Je tente de faire fi de ma poitrine qui se serre à l'idée de ne plus le revoir. Lui qui a égayé mes dernières semaines, qui m'a animée d'une nouvelle flamme que je croyais disparue, qui m'a permis de sortir de mon quotidien sans artifice. Je me sens étrangement vide et en manque. Je m'efforce de prendre de longues inspirations pour desserrer mon ventre et me décide à me replonger dans mes dossiers en cours. Mes clients comptent sur moi, mes peines de cœur attendront.

ConsumésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant