Chapitre 19

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Nath

-Djeco le pompier soupire « oh non, mais comment va-t-on faire pour récupérer le singe du haut de cet arbre ? »

Lio et moi sommes calés dans son lit, sa chambre uniquement éclairée de sa lampe de chevet.

-L'ésselle, répond mon bébé à mi-voix tout en suçant son pouce.

Je tente de lui retirer doucement mais il résiste et je me résigne. Rien à faire, depuis deux ans, il ne cesse de le mettre en bouche avant d'aller au lit. L'orthophoniste m'a incité à l'en empêcher, au risque que sa mâchoire s'en trouve déformée et que son zozottement peine à partir mais plus facile à dire qu'à faire. Je le sais au plus profond de moi. Tant que mon fils n'aura pas dépassé son trauma, il ne se passera jamais de ce tic. Comme le dit ma mère, il faudra du temps et de l'affection pour y parvenir alors c'est ce que je fais : je patiente en lui donnant tout mon amour. Quitte à lui lire des histoires improbables de singe coincé dans un arbre.

-Oui, c'est bien mon cœur, tu as deviné, dis-je en tournant la page de son livre préféré.

« Djeco le pompier dégaine son échelle et la cale contre le tronc d'arbre avant de grimper les marches une à une. Mais alors qu'il arrive en haut de l'arbre, le singe bondit et vient s'agripper à l'arbre voisin.

Mon fils rigole de bon cœur.

-Quel coquin ce singe, alors !

-Oui, c'est un coquin le sinze !

-« Zut alors, grogne Djeco, comment vais-je faire pour ramener ce singe au zoo ! Mon ami le... (Mon portable vibre dans ma poche et me dévie une seconde de ma lecture) ... gardien compte sur moi !

J'ignore la notification et poursuis jusqu'à ce que je vois les paupières de mon fils s'alourdir. Je ferme alors le livre et lui embrasse le front. Comme mon fils est calé contre moi, je l'allonge doucement avant de me lever de son lit et éteindre sa lampe. Je m'avance vers la porte mais il se relève d'un coup avant de me lancer de sa voix anxieuse :

-Tu laisses la lumière du couloir allumé, hein, maman ?

-Toujours, mon cœur, le rassuré-je.

Sa tête retombe alors lourdement sur son oreiller avant de s'endormir pour de bon. Cette vision m'attendrit, tout comme elle me fend le cœur.

Je ravale un nouveau sentiment de culpabilité avant de me réfugier dans notre salon de notre petite maison à Assas et me servir un verre de vin. Je m'apprête à me poster devant mon ordinateur pour travailler lorsque je me souviens avoir reçu un message. C'est sûrement ma mère qui s'assure que je lui dépose bien Lio mercredi mais à ma grande surprise, le prénom de Dan s'affiche sur l'écran. Mon cœur rate un battement. Je n'ai pas eu de nouvelle depuis une semaine, soit depuis qu'il a coupé court à notre relation « client-avocate ». Lorsque je lis son message, je suis prise de sentiments mitigés :

Bonsoir Nathalie, comment allez-vous ? Que diriez-vous de rattraper notre restaurant raté ? J'en connais un sans cheffe intrusive et qui propose du bon vin 😉

Pourquoi ce message éveille de la colère en moi mais également de l'excitation ? D'un geste agacé, je retourne mon portable, l'écran face contre la table et me reconcentre sur mon ordinateur. Sauf que je suis incapable de travailler. Mon cœur bat son plein et mon cerveau croule sous des pensées contradictoires.

D'un côté, je suis ravie qu'il me propose de nous revoir, d'un autre, je lui en veux encore d'avoir privilégié le bien-être de son ex à notre relation. Pourquoi a-t-il d'ailleurs changé d'avis ? L'incident est-il finalement clos ? Aux dernière nouvelles, Sabrina avait nié toute culpabilité et la police se trouvait dans une impasse. Un voisin a rapporté voir un homme rôder dans les couloirs à ce moment-là mais comme l'immeuble n'était pas équipé de caméras et que celui-ci est un vrai moulin, son témoignage n'a pas été plus exploité. Dan a-t-il de nouveau changé d'avis sur sa demande de garde ?

Je ne devrais pourtant pas mais je me sens soudain comme utilisée et je décide de remettre ma réponse à plus tard. Une audience m'attend demain et je dois m'y remettre si je veux que mon client, victime d'homophobie sur son lieu de travail, ait gain de cause.

Seulement après avoir terminé de préparer ma plaidoirie et m'être mise au lit, je ne cesse de me retourner sur mon oreiller. Je culpabilise de laisser Dan en plan, d'autant que je l'ai laissé sur « vu ». S'il a mis fin à notre accord, il n'a pas non plus explicité qu'il ne voulait plus me voir. Ne mérite-t-il pas une seconde chance ? Il a des circonstances atténuantes après tout. Je devrais le savoir, moi qui suis avocate : tout le monde n'est pas tout blanc. Je souffle de dépit avant de me décider à lui répondre.

Curieuse de découvrir ce fameux restaurant, vendredi soir à 20 :00 ?

La réponse ne se fait pas prier et mon portable sonne à la seconde près.

Parfait, je vous envoie l'adresse au plus vite. A vendredi !

Je peux d'ici percevoir son enthousiasme et cela m'arrache un sourire. Je lui réponds un « à vendredi » avec un emoji qui sourit puis dépose mon portable sur ma table de nuit avant de pouvoir enfin m'endormir, l'esprit plus léger.

ConsumésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant