XXI. Atlas

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Il y a une première fois à tout, pas vrai ?

Plus rien ne va. Mes nuits sont courtes, voire inexistantes, ce qui fait qu'à chaque fois que je me regarde dans le miroir j'ai l'air d'un zombie prêt à envahir la Terre pour une putain d'apocalypse. Je ne sors presque plus de ma chambre, sauf pour rejoindre la salle de musique, même si je n'ai touché ni mon violon, ni le piano depuis la visite de Levi. C'est au-dessus de mes forces. C'est comme si tout ce qui m'animait était profondément enfoui au plus profond de moi, sans aucun moyen de le faire ressurgir. Pourtant je ne demande que ça. Mes doigts frôlent les instruments, mais c'est tout. L'envie et la passion ne sont plus là, alors je fais demi tour et m'enferme dans mon antre.

Quelques personnes ont tenté de venir voir comment j'allais, mais j'ai fait comprendre à Dorothea de ne pas les laisser monter, je n'ai pas la force d'être sociable pour le moment. Le lycée a demandé à ce qu'on voit la psy de l'école avant de retourner en cours, mais je ne l'ai pas fait et je ne compte pas le faire. Je n'ai aucune envie qu'une femme, qui a eu son diplome dans un Kinder Surprise, me donne des conseils pour aller mieux alors que je peux les trouver sur internet.

Eh oui, je suis devenue ce que je m'étais promis de ne jamais devenir, une peste. Je suis exécrable et irritable au possible et, malheureusement, Thea est la première personne qui encaisse les coups. Et je déteste ça. Cette femme est la bonté même, mais je la traite comme de la merde parce que je ne vais pas bien. Mes parents et ma sœur sont rentrés de leur « voyage » il y a quelques heures, mais aucun d'eux n'a pris la peine de venir toquer à ma porte pour voir comment j'allais. Bon, après, il n'y a rien de surprenant là-dedans non plus.

J'ai besoin de quitter cette maison, au risque de devenir folle, mais pour aller où ? Chez Minh ? Non, je n'ai plus aucune nouvelle d'elle depuis que j'ai refusé de la voir, quelques jours plus tôt. D'ailleurs, elle semble s'être trouvée de nouvelles amies, puisque j'ai vu sur les réseaux sociaux qu'elle traînait avec Alisha, aka la meilleure amie de ma sœur. Est-ce que ça me dérange ? Pas tellement. Je pourrais aller chez Levi, vu que son père m'a invité à venir quand je voulais, mais je ne peux pas être proche du hockeyeur, ce serait trop risqué.

Du coup, lorsque la maison s'éteint pour la nuit et que ses habitants sont endormis, j'ouvre la fenêtre de ma chambre et grimpe à la branche qui se trouve à quelques centimètres. Je n'ai jamais fait le mur de ma vie, mais il y a une première fois à tout, pas vrai ? Donc ce soir, c'est ma première fugue.

Je descends de l'arbre en faisant attention à ne pas faire trop de bruit et lorsque mes deux pieds touchent enfin terre, je laisse échapper un soupir de soulagement. Mon sac sur le dos, je quitte la propriété familiale et commence à arpenter la rue. J'ignore où je vais, mais peu m'importe tant que je mets le plus de distance possible entre cette prison et moi.

Après une petite demie heure de marche, une voiture ralentit lorsqu'elle arrive à ma hauteur et il me faut tout mon sang-froid pour ne pas me mettre à courir.

Bon sang, à croire qu'être kidnappée une fois, ça ne m'a pas suffit !

Toutefois, la personne qui conduit à la Prius n'a rien à voir avec un quelconque kidnappeur puisqu'il s'agit de Paloma. Je suis surprise de la voir ici et surtout à cette heure-ci, parce que oui, il est plus de deux heures du matin.

— Atlas ? m'appelle ma partenaire d'exposé. Qu'est-ce que tu fais dehors à une heure pareille ?

— Je pourrais te poser la même question.

Ce sont les premières paroles que je prononce depuis plus d'une semaine et ma voix est légèrement rauque.

— Insomnie, et toi ? répond la brune.

Let's Play a GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant