Tome 2 - Après le feu

Chapitre 14

Judith avait soigneusement évité César depuis leur dernier échange quinze jours plus tôt. C'était la première fois qu'elle restait si longtemps sans lui parler. Son ami lui manquait, mais elle se sentait incapable de soutenir son regard maintenant qu'il savait pour Roman et ses innombrables messages. César respectait son silence, comprenant qu'elle avait besoin de recul et que lui mettre la pression serait contreproductif. Judith n'avait aucun doute quant à sa loyauté, jamais il ne parlerait à Ben de son secret. Sa principale crainte était son jugement, elle redoutait d'avoir baissé dans son estime. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander quelle image il avait d'elle désormais. Chaque fibre de son être n'était que culpabilité.

La date fatidique tant attendue que redoutée, avait fini par arriver. Judith avait posé ses valises au centre avec Astrée deux jours plus tôt. Ben n'avait pas refait surface. Les rares fois où il téléphonait, elle passait directement le téléphone à Sacha, et se contentait de lui envoyer quelques photos et nouvelles d'Astrée lorsqu'il lui en demandait. Elle refusait de lui adresser la parole pour le moment et se cantonnait au strict minimum, empêtrée dans ce mélange de rancœur et de culpabilité qui la tenaillaient.

Judith avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour repousser l'échéance en esquivant au maximum Roman, mais aujourd'hui, elle ne pourrait plus reculer. Astrée avait sa première séance de balnéothérapie avec le thérapeute. La boule d'angoisse qui s'était formée dans sa gorge s'intensifiait à mesure que l'heure du cours approchait. Elle allait se retrouver face à lui, aucun retour en arrière ne serait possible. Pourtant, elle devait se rendre à l'évidence. Elle avait beau ne pas être à l'aise avec ses sentiments naissants, ils existaient réellement.

Elle déposa Astrée pour sa longue séance de kiné, puis, comme à son habitude, se dirigea vers la plage. Elle chérissait ce rituel qui lui permettait de se reposer et de se ressourcer au contact des vagues. Le temps était doux et ensoleillé, elle installa une serviette à même le sol et retira ses baskets pour sentir la douceur du sable sous ses pieds. Elle ferma les yeux, laissant les rayons du soleil réchauffer son visage. Cet endroit qu'elle aimait tant, beau à couper le souffle, offrait un nouveau paysage à chaque saison. Elle resta ainsi quelques minutes, pour faire le vide dans son esprit surchargé de doutes. Malgré le poids de la culpabilité, Roman ne quittait jamais ses rêveries. Elle soupira longuement, et quand elle ouvrit les yeux, il était là. On aurait presque pu croire que ses pensées l'avaient poussé à se téléporter auprès d'elle.

Il y avait comme un air de magie dans l'atmosphère. Toutes les conditions étaient réunies pour un premier baiser idéal. Elle plongea dans ses grands yeux bleus, laissant s'envoler tout sentiment négatif, prête à vivre l'instant présent.

- Mais, comment...

- Je savais que je te trouverai ici. J'ai mes sources.

Il soutint son regard comme pour lui demander l'autorisation, et il posa sa main sur la sienne. Elle ressentit une agréable brûlure dans tout son corps, tout allait beaucoup trop vite mais elle aurait été bien incapable de se stopper maintenant. Elle sentait qu'il n'attendait qu'un signe de sa part pour l'embrasser, alors elle posa simplement sa tête sur son épaule, pour ralentir un peu le rythme. Il l'entoura de ses bras, tout doucement, pour ne pas la brusquer. Cette sensation d'être protégée était agréable, aussi celle de plaire à nouveau, sûrement. Elle brisa le silence qui les enveloppait.

- C'est étrange.

- Quoi ?

- D'être là, avec toi.

- Étrange comment ?

- Étrange bien.

De son bras libre, il releva délicatement son visage vers lui, et repoussa une de ses mèches de cheveux qui tombait devant ses yeux à cause du léger vent. Elle baissa le regard, troublée.

- Roman, je... Ça ne peut pas être aussi simple. Je suis mariée et... Je ne lui ai pas encore parlé de nous deux.

- Judith, je respecterai ton choix quoi qu'il en soit. Je ne te demande rien, je ne veux pas que tu le quittes pour être avec moi, on a tout notre temps...

Sa main qui jouait nonchalamment avec ses boucles brunes et ses yeux bleus perçants qui la fixaient intensément lui faisaient perdre la tête.

Ben était toujours dans un coin de son esprit, mais elle devait se rendre à l'évidence, il n'était pas là. Il avait choisi délibérément d'être loin d'eux, sans saisir la dernière perche qu'elle lui tendait en lui demandant de rentrer. De leur vie de couple, il ne restait plus que les cendres d'un feu trop vite consumé. Judith estimait avoir droit à ce nouveau bonheur. Pourtant, quelque chose la retenait encore. Elle baissa les yeux pour se détourner de ce regard qui lui aurait tout fait oublier en une fraction de seconde. Il éloigna instinctivement sa main de son visage, comme s'il avait compris.

- Je ne peux pas... Pas comme ça.

Il l'encouragea du regard à poursuivre.

- Je dois lui parler... C'est terminé, mais on a partagé tant de choses. Il mérite que je sois honnête avec lui, tu vois ? Je suis en colère, mais je ne veux pas laisser cette colère guider mes choix.