Chapitre 3

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Ben avait fait irruption au beau milieu de la nuit, sur les coups de trois heures. Judith avait été réveillée par le grincement de la porte d'entrée, et les craquements de ses pas sur le parquet. Il était entré dans la chambre pour se brosser les dents et se passer le visage sous l'eau dans la petite salle de bain attenante. S'efforçant de garder les yeux clos, Judith fit semblant de dormir à poings fermés quand son mari se glissa sous les draps. Pour une fois qu'Astrée dormait, elle n'avait pas l'intention de gaspiller son précieux temps de sommeil à lui faire des reproches. Il était rare qu'à cette heure-ci Astrée ne se soit pas encore réveillée. Elle s'était endormie si tard qu'elle était un peu décalée. Judith avait sûrement quelques heures devant elle avant que sa fille ne réclame ses bras pour se rendormir, malgré tout elle ne parvenait plus à trouver le sommeil. Faire semblant de dormir pour ne pas avoir à faire face à Ben lui tordait le ventre, elle détestait ce qu'ils étaient en train de devenir et le froid qui s'installait entre eux. Sa respiration régulière lui indiquât que lui, dormait déjà profondément.

A presque 10 h 30, l'appartement était étrangement calme. Astrée était à l'institut, et Sacha à l'école. Léonard, son patron, lui avait donné sa journée et Judith comptait bien savourer ce temps rien que pour elle. Ben dormait encore et n'avait pas daigné se lever quand Astrée avait commencé à s'agiter, vers 5 h 30. Il savait pourtant que Judith ne travaillait pas aujourd'hui, il aurait pu s'occuper d'Astrée et déposer Sacha à l'école pour la laisser se reposer. Enfin, ça, c'était une version qui n'existait que dans un monde idéal. La réalité était toute autre. Il avait certainement oublié, un peu comme la moitié des choses qui concernaient Judith ou les enfants. Elle s'étira en se levant du canapé. Elle n'avait pas pour habitude de rester allongée à ne rien faire, ce n'était pas désagréable mais elle avait l'impression de perdre son temps. Elle se dirigea vers la cuisine pour ranger la vaisselle du petit déjeuner. Elle n'avait pas entendu Ben se lever. Il se tenait face à elle, dans l'encadrement de la porte. Si elle n'était pas autant en colère contre lui, elle l'aurait presque trouvé mignon avec ses cheveux en bataille et sa mine ensommeillée. Devant le regard noir de sa femme, il se sentit obligé de se justifier.

- Désolé d'être rentré si tard. On avait du taf au studio.

- Hum.

- Quoi ?

Judith cherchait ses mots, consciente que la discussion risquait de tourner à l'affrontement. Elle détestait le conflit et appréhendait la tournure qu'allait prendre cette journée de repos, malgré tout, elle ne pouvait pas juste prétendre que tout allait bien.

- Tu comptes me faire la gueule parce que je suis rentré tard ?

- Ce n'est pas le problème, Ben.

Elle sentait qu'il était sur la défensive.

- Tu vas vraiment me prendre la tête dès le réveil là ?

- Il est 10 h 30, je suis levée depuis 5 h 30 avec Astrée. Tout le monde n'a pas le luxe de faire la grasse matinée.

Il soupira, l'invitant du regard à poursuivre. La tension dans la pièce était palpable.

- Tu n'as pas oublié quelque chose ?

- Apparemment...

- Le rendez-vous avec la psy ! Tu m'avais promis de te libérer pour venir.

- Ah merde, j'ai zappé. Je suis désolé.

- Comme un peu tout ce qui concerne notre fille. Tu pourrais au moins faire semblant de t'y intéresser.
- Ne dis pas ça. Tu sais très bien que c'est faux.

- Je n'en sais rien Ben, tu n'es jamais là, et tu ne me demandes jamais comment ça se passe.

- Tu sais quoi, laisse tomber. Quoi je fasse, ça ne va jamais. Je ne sais pas quoi te dire, tu devrais plutôt te trouver un gentil petit mari qui reste à la maison bien sagement, tu serais bien plus heureuse !

- Évidemment, c'est plus facile de se victimiser que de se remettre en question.... Enfin bref, je ne travaille pas aujourd'hui, je n'ai pas envie de perdre mon temps à me prendre la tête avec toi et partir dans des débats qui ne mènent à rien.

Judith abandonna la vaisselle à son sort et quitta la cuisine sans un mot. Elle enfila ses chaussures et sa veste avant de quitter l'appartement en claquant la porte. Ben ne prit pas la peine de la retenir. Les larmes ne coulaient pas, elle était juste dégoûtée et blasée par son attitude. Il ne méritait pas qu'elle perde sa journée à se torturer à son sujet.

Elle avait plutôt envie d'aller présenter ses excuses à son meilleur ami. Lui au moins se préoccupait d'elle un tant soit peu. Elle sonna à la porte et attendit tranquillement, sachant qu'à la minute où ils se verraient, tout serait oublié. Ces deux-là ne restaient jamais fâchés bien longtemps. Elle ne s'était pas trompée, César ouvrit la porte quelques secondes plus tard, un sourire en coin scotché sur les lèvres. Judith lui sauta au cou, et nicha son visage dans le creux de son épaule. Il resserra ses bras autour d'elle et lui embrassa le sommet du crâne. Elle resta ainsi quelques instants, profitant de la chaleur et de l'odeur réconfortante de César.

- Je suis désolée.

- C'est moi qui suis désolé.

- Je n'aurais pas dû te demander de partir, j'étais énervée et...

- Et moi je n'aurais pas dû te dire tout ça. Je suis allé trop loin. Je dois apprendre à rester à ma place.

- On oublie tout ?

- C'est déjà oublié ma sœur.

Il lui tendit un poing qu'elle checka avec plaisir, avant de lui embrasser la joue. Inès était absente, ils en profitèrent pour passer la journée ensemble. César lui prépara un bon repas simple et réconfortant dont il avait le secret, et Inès rentra dans l'après-midi. Ils s'installèrent tous les trois pour regarder un film et Judith repartit le cœur léger, pour retrouver ses enfants. Ses amis étaient définitivement sa lueur d'espoir lorsque sa vie devenait trop sombre. Pour rien au monde elle n'aurait pu se passer de leur présence à ses côtés.

Tome 2 - Après le feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant