Chapitre 7

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Les pensées perdues, je regarde par la fenêtre du taxi, observant les lumières de la ville défiler lorsque mon téléphone se met à sonner.

- Allô, Ana ?

- Coucou ma belle, tu es déjà dans l'avion ?

- Non, je m'apprête à monter. Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Je voulais faire un dernier point avec toi pour ce weekend.

Pendant trois jours, je vais me rendre dans le Sud pour donner plusieurs interviews et visiter des associations. Ana et moi avons longuement débriefé sur la situation des élections et les points à aborder. Pendant quelques minutes, elle me fait un résumé des éléments importants que je ne dois pas oublier durant ce séjour.

- Et tu te rappelles ce qu'on s'est dit par rapport à Moran ? me demande-t-elle, un soupçon d'inquiétude dans la voix.

Je souffle légèrement exaspérée.

- Aucune réaction à ses attaques, aucune bagarre, et surtout, ne pas le laisser s'approcher de moi. Je sais, Ana.

Elle rigole doucement et me souhaite bonne chance avant de raccrocher. Depuis notre dernier débat, sans le vouloir, j'ai ravivé l'intérêt des médias et des internautes, qui sont maintenant persuadés qu'il existe une véritable tension entre nous.

Toutes ces rumeurs jouent en faveur de Moran, qui gagne encore plus en popularité en se faisant passer pour le bad boy qui fait tomber les gauchistes, selon les médias.

J'ai donc décidé de ne plus le laisser m'atteindre ni de se servir de moi pour gagner des voix.

À l'aéroport, je prends quelques selfies avec des jeunes et prends le temps de répondre à leurs questions. Je suis soulagée de constater qu'aucun d'eux ne pose de questions déplacées sur Julien.

Une fois devant la porte d'embarquement, je remarque que la dame met un temps inhabituellement long à me redonner mes documents. Je commence à m'inquiéter.

- Il semblerait que vous ayez été surclassée. C'est votre jour de chance, dit-elle en me tendant ma carte d'identité avec un sourire.

Je la remercie en attrapant mes papiers, mais je suis remplie de questions. Je m'installe dans l'avion, mais je ne me sens pas à l'aise. Après quelques minutes, je sens quelqu'un s'installer sur le siège à côté de moi. Je me retourne, et tout devient plus clair.

- Toi ! Dis-je, énervée.

Julien se tourne vers moi, mais étrangement, il a l'air aussi surpris que moi.

- Je t'arrête tout de suite, je n'y suis pour rien, dit-il d'un ton sec avant d'ôter sa cravate et de la glisser dans la poche de sa veste.

Je me rappelle de la conversation avec Ana et décide de ne pas répondre. De toute façon, il n'a pas l'air d'être d'humeur taquine aujourd'hui, et ça me va très bien.

Je mets alors mes écouteurs et tente de me détendre. Le voyage se déroule tranquillement, aucun de nous ne parlant à l'autre.

Alors que je me perds dans la musique, une nouvelle chanson commence. Je ne peux m'empêcher de sourire lorsque les paroles de "About You" de WizTheMC résonnent dans mes oreilles.

Julien, qui a dû remarquer mon sourire, enlève l'un de mes écouteurs.

- Qu'est-ce qui te fait rire ?

Je me tourne vers lui, amusée, et lui réponds :

- Cette musique me fait penser à toi.

Il arque un sourcil, intrigué, et met immédiatement l'écouteur dans son oreille, tout en m'observant attentivement. Amusée, je ne peux m'empêcher de chanter les paroles en le regardant, dansant comme une folle sur mon siège.

"I hate your face , Your smile , Your taste

Wanna forget every single thing that I know about you

I hate everything about you Aahhh"

Il me regarde, un sourire franc illuminant son visage, ses fossettes se creusant.

- T'es vraiment une enfant, Mettignon, dit-il en déposant l'écouteur sur mes genoux, tout en gardant ce sourire.

En arrivant, nous n'avons pas une minute à perdre. Nous sommes attendus pour un énième débat télévisé. Je dépose mes affaires en vitesse dans ma chambre d'hôtel et découvre, non sans agacement, que Moran loge également dans le même hôtel. C'est comme si le sort s'acharnait à nous réunir.

Une fois au studio, je n'ai pas une seconde pour me préparer ; nous sommes directement lancés dans le débat. Jean est également présent, ainsi que quelques autres candidats. Comme d'habitude, le débat est intense, sans répit. Chacun de nous est convaincu de son programme et refuse de céder le moindre terrain à l'autre.

- Nous devons adopter une approche plus humanitaire pour l'accueil des migrants. Ces personnes fuient des situations désespérées, et nous avons la responsabilité de leur offrir un refuge sûr et...

Jean me coupe brusquement la parole :

- C'est bien que vous vous intéressiez aux migrants, mais peut-être que si vous passiez moins de temps à flirter avec d'autres candidats et plus de temps à travailler, vous comprendriez mieux les vrais enjeux de cette question pour notre pays.

Je reste bouche bée face à cette attaque. Avant que je puisse répliquer, j'entends Julien prendre la parole, son ton glacial résonnant dans le studio

- Votre réflexion, bien que ridicule et terriblement sexiste, montre à toute la France à quel point vous manquez cruellement d'arguments valables pour ce débat.

Jean, visiblement déstabilisé, cherche une réplique, mais j'enchaine :

- Puisque vous souhaitez entrer dans les attaques personnelles, je pense qu'il est bon de rappeler à toute la France que notre cher candidat, qui se tient si fièrement devant nous, a été impliqué il y a quelques semaines dans une affaire de fraude fiscale. Allez-y, continuez de parler de ma vie sentimentale si vous le souhaitez, mais quoi qu'il arrive, je sais que ma vie privée ne sera jamais aussi pourrie que la vôtre.

Je finis par claquer mes papiers sur mon pupitre avant de me tourner vers le médiateur :

- Eh bien, je pense qu'on va arrêter ce débat ici pour aujourd'hui. Merci à vous cinq d'être venus. Bonne soirée.

- Coupez ! crie l'un des assistants.

Jean se met alors à courir vers moi, furieux :

- Petite pute, tu vas me le payer !

Il lève la main pour me frapper, mais je réagis instinctivement, lui assénant un coup de poing en pleine tête. Il s'effondre au sol.

- Ça, c'est pour m'avoir manqué de respect devant toute la France, connard.

Julien se précipite vers moi et me tire en arrière pour m'empêcher de faire plus de dégâts.

- On ferait mieux de rentrer à l'hôtel, Olivia.

L'idéologie du coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant