Chapitre 12

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Je me prépare devant le miroir, prête à remonter sur le plateau dans quelques minutes pour un dernier débat avant l'élection finale.

- Tu te sens comment ?

- Stressée, mais impatiente. Dis-je d'un ton assuré.

La sonnerie du téléphone d'Ana nous interrompt, et elle répond rapidement. Je ne peux pas entendre ce que son interlocuteur lui dit, mais je sens que la conversation me concerne, à en juger par son regard inquiet.

Une fois qu'elle raccroche, elle me regarde, l'air désolé.

- Qu'est-ce qu'il se passe, Ana?

Elle attrape son ordinateur et me fait signe de venir m'asseoir près d'elle sur le canapé. Son visage est grave, et une boule se forme dans mon estomac.

- Un article vient de sortir à l'instant dans la presse. Commence-t-elle, la voix pleine de précaution. Apparemment, l'un des patients du centre a parlé de ton passé avec la drogue aux médias, et ils s'en sont servis pour...

Mon cœur rate un battement.

- Pour quoi, Ana?

Elle inspire profondément avant de continuer.

- L'article ne se contente pas de mentionner ton passé, il l'expose en détail, déformant tout pour te faire passer pour quelqu'un de dangereux, d'instable. Ils remettent en question ta légitimité en tant que candidate, insinuant que ton histoire pourrait affecter ta capacité à assumer tes responsabilités.

Je reste sans voix et laisse tomber ma tête en arrière sur le dossier du canapé.

- Ils vont jusqu'à dire que tu es encore en contact avec certains anciens dealers, que tu n'as jamais vraiment quitté ce monde.

- Quoi ? C'est ridicule ! m'écrié-je, le souffle court. Tout ça, c'est derrière moi depuis des années. Je n'ai plus rien à voir avec cette vie, et ceux qui me connaissent le savent. Comment peut-on croire une chose pareille?

- Je sais, Oli, je sais. murmure Ana, posant une main réconfortante sur mon épaule. Mais tu sais comment fonctionnent les médias. Ils cherchent le sensationnel, à faire les gros titres, peu importe la vérité. Ils veulent te discréditer, surtout maintenant que tu as remporté le premier tour.

Je secoue la tête, essayant de contenir les larmes qui menacent de couler. Après tout ce que j'ai accompli, me voilà réduite à cela : mon passé, étalé sur la place publique, transformé en arme contre moi.

- Qu'est-ce que je vais faire, Ana? Ma voix se brise.

- Nous allons préparer un communiqué, clarifier les choses. Et tu vas parler de ton histoire, mais à ta manière, pas celle qu'ils veulent imposer. Ce passé, c'est une partie de toi, mais c'est aussi ce qui t'a rendue plus forte. Les gens ont le droit de savoir la vérité, pas cette version tordue qu'on essaie de vendre.

Je hoche la tête, encore sous le choc, mais trouvant du réconfort dans la force d'Ana.

- Mais tu n'es pas seule. On est une équipe, et on va traverser ça ensemble. Tu n'as pas à avoir honte de ton passé. Mais pour l'instant, fais comme si de rien n'était ce soir. Avec un peu de chance, le médiateur n'en parlera pas.

- Merci, Ana. Dis-je en la prenant dans mes bras pour trouver du réconfort.

Une fois sur le plateau, je salue les candidats un à un. Lorsque je serre la main de Julien, il caresse doucement le dos de ma main avec son pouce et me murmure :

- Je viens d'apprendre pour l'article. Ça va ?

Je me rends compte que les gens sont déjà au courant, ce qui fait encore monter la pression pour le débat qui va bientôt commencer.

- Ça pourrait aller mieux.

J'enlève ma main de la sienne et lui souris avant de lui souhaiter bonne chance, puis retourne à ma place, à quoi il répond avec un sourire doux.

Le débat commence. Au début, tout se passe normalement. Nous débattons tous intelligemment, sans nous couper la parole. On pourrait même dire que ce débat est l'un des plus courtois depuis le début de cette élection, mais tout bascule lorsque Jean rompt le silence.

- Il faut que ce pays soit gouverné par des gens qui pensent réellement au bien-être de ces habitants. Dis-je fermement à Jean, en accentuant mes mots pour qu'ils résonnent.

- Oui enfin bon, moi, je pense aussi que ce pays devrait surtout ne pas être gouverné par une toxico. Les gens seraient fous de voter pour une inconsciente comme vous pour diriger notre pays.

Plus personne ne parle sur le plateau. J'essaye de dire quelque chose, mais aucun son ne sort de ma bouche, même pas un soupir. Je regarde autour de moi, cherchant de la compassion ou de l'aide, mais tout le monde fixe son pupitre, gêné par la situation. Même Julien ne me regarde pas, il fixe le sol sans rien dire.

Je tente de reprendre mes esprits et de formuler une réponse, mais le débat a déjà repris son cours normal, et je ne parle plus de toute l'émission.

En sortant du plateau, je n'ai pas le courage de me rendre dans ma loge pour faire face à Ana. Alors, je décide de me réfugier aux toilettes, comme je sais si bien le faire, pour pleurer toutes les larmes de mon corps.

Quelqu'un entre dans les toilettes, ce qui me force à me taire pour ne pas attirer l'attention.

- Je sais que tu es là, Olivia. Je t'ai vue rentrer en courant.

Je sors de la cabine, la tête baissée, les larmes continuant de couler. Julien se précipite vers moi pour me prendre dans ses bras sans dire un mot. Nous restons ainsi quelques minutes avant qu'il ne rompe le silence.

- Je suis tellement désolé, Olivia. Je n'ai rien dit, j'aurais dû lui...

- Arrête. Le coupai-je. Tu n'aurais rien pu dire, c'était à moi de me défendre, et je ne l'ai pas fait. Maintenant, toute la France va penser que ce que dit cet article est vrai. J'ai tout gâché.

- Ne dis pas ça, je suis sûr que personne ne va croire ce que cet article raconte. D'ici demain, ça sera déjà oublié, et la presse sera passée à autre chose. Allez, viens, je te raccompagne chez toi.

Il passe son pouce sur ma joue pour essuyer la larme qui y coule et m'embrasse le front avant de me conduire jusqu'à sa voiture.

Durant tout le trajet, je n'ai pas pu m'arrêter de pleurer une seule fois. Et ce n'est qu'une fois seule dans mes draps, lorsque mes yeux se sont fermés et que je me suis endormie, que ma tête a enfin cessé d'y penser.

L'idéologie du coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant