Chapitre 3

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Ce matin, je me réveille déterminée à donner le meilleur de moi-même lors de mon deuxième débat. L'émission est tournée dans la matinée, alors je me suis levée très tôt pour être aussi présentable que possible. J'ai choisi une tenue élégante mais professionnelle, soigneusement repassée la veille, et je prends le temps de peaufiner mon discours une dernière fois dans ma tête.

Je me rends au studio bien avant l'heure prévue, espérant réviser mes fiches en toute tranquillité et me détendre avant le débat. Cependant, en approchant du plateau, j'aperçois Julien, visiblement aussi prévoyant que moi. Il est assis sur une chaise haute, absorbé par ses documents, les sourcils froncés en signe de concentration.

Je m'approche de lui, tendant la main de manière solennelle pour le saluer.

- Bonjour.

Je le salue très brièvement, espérant m'éclipser rapidement, mais il rattrape ma main avant que je ne puisse partir.

- À quoi tu joues ? me demande-t-il, le ton sérieux.

- Il va vraiment falloir que tu arrêtes de m'attraper comme ça, Moran. Je réplique, agacée.

- Je te lâcherai quand tu m'auras répondu. Insiste-t-il, son regard ne quittant pas le mien.

- Je ne sais pas de quel jeu tu parles. Dis-je en essayant de me dégager.

- Ce petit jeu de la petite collègue froide. Sérieux Oliva, je dois te rappeler qu'on a couché ensemble il y a à peine deux semaines ?

Ses mots me percutent comme un coup de poing tant le regret est présent.

- Chuuut, parle moins fort ! Je regarde autour de moi pour m'assurer que personne n'a entendu.

Il me lâche et éclate de rire.

- Madame Mettignon aurait-elle peur qu'on découvre qu'elle se tape son rival politique ?

-Tapais. Je le corrige sèchement. Je me tapais et c'était une grosse erreur. Alors à partir de maintenant, je ne veux plus qu'on en parle, Moran ! Je sens ma voix monter d'un cran, signe de ma nervosité croissante.

- Sinon quoi ? réplique-t-il d'un ton provocateur, se penchant légèrement vers moi, toujours perché sur sa chaise haute, dominant la situation.

Je décide de rentrer dans son jeu et me hisse sur la pointe des pieds pour arriver à sa hauteur. Nos regards se croisent, et je remarque que ses yeux dévient brièvement vers mes lèvres.

- Ou alors...je commence, mon ton chargé de défi. Je peux raconter que tu as la plus petite que j'ai jamais vue... devant toute la France.

Je marque une pause, mon regard descendant volontairement vers son pantalon avant de remonter vers ses yeux. Je me penche ensuite vers son oreille pour murmurer :

- Et que ce n'était franchement pas mémorable.

Julien ricane, se lève de sa chaise pour reprendre de la hauteur et dit :

- Vraiment ? C'est drôle parce que je me souviens que tu n'arrêtais pas d'en redemander ce jour-là, ma belle. Avant de me faire un clin d'œil et de partir.

C'est officiel, je hais ce type. Je me sens maintenant en colère, déterminée à le mettre en pièces lors du débat qui approche. Je prends une grande inspiration et me dirige vers ma loge, prête à enflammer ce plateau.

Une heure plus tard, nous voilà sur le plateau. Moran se trouve pile en face de moi, se faisant recoiffer par une assistante qui lui lisse la chemise avec une main. Je le vois murmurer quelque chose à l'oreille de la jeune femme, qui glousse bêtement en réponse. Je lève les yeux au ciel, dégoûtée, et me plonge dans mes fiches pour me recentrer.

- Bonne chance pour ce débat, mademoiselle Olivia. Dit une voix à côté de moi. Je relève la tête et aperçois Jean, l'un des candidats. Il se tient devant moi, la main tendue, un sourire cordial aux lèvres. Je saisis sa main et le remercie avec un sourire sincère.

Mais une sensation lourde pèse sur moi, comme si quelqu'un m'observait. Mon regard balaye le plateau, et je surprends Julien en train de me fixer, avant qu'il ne détourne les yeux vers Jean, maintenant à sa place. Je n'ai pas le temps de réfléchir davantage à cette interaction, car le débat commence.

Pendant plus d'une heure, je défends notre programme avec passion et conviction, contredisant chaque élément incohérent soulevé par mes adversaires, et particulièrement ceux de Julien. Chaque fois que je parviens à le déstabiliser, un frisson de satisfaction me parcourt. Même s'il ne laisse rien paraître devant les caméras, je peux voir dans ses yeux une lueur de frustration à chaque fois que je complique ses arguments. C'est une petite victoire que je savoure pleinement.

Jean, quant à lui, a la fâcheuse tendance à me couper la parole sans cesse, comme si mes propos n'avaient aucune importance. Cela m'irrite profondément, mais je garde mon calme et parviens toujours à reprendre le contrôle du débat, veillant à ce que mon point de vue soit entendu et respecté.

Après le débat, épuisée mais satisfaite, je me dirige vers la cafétéria du studio pour chercher quelque chose à boire. J'aperçois une dernière petite bouteille d'eau posée sur la table et me précipite pour la saisir, mais quelqu'un la prend sous mon nez.

MORAN.

Je le fusille du regard alors qu'il ouvre la bouteille et la boit lentement, tout en me fixant avec cet air narquois collé à son visage de démon.

- Oh, tu en voulais ? Dit-il après avoir fini l'entièreté de la bouteille.

- T'es vraiment qu'un petit con d'égoïste. Lâché-je, dégoûtée.

- On me le dit souvent, merci. Répond-il en riant, jetant la bouteille vide dans la poubelle avec une précision agaçante.

Je tourne les talons pour partir, mais il m'interpelle à nouveau.

- Je crois que Jean a un faible pour toi. Il ne salue jamais les autres candidats avant un débat. Tu as peut-être tes chances.

Il enlève sa veste et retrousse les manches de sa chemise d'un geste nonchalant.

- Il a juste voulu être sympa, tu devrais essayer de temps en temps, ça ne te ferait pas de mal. Je réplique, agacée par son attitude désinvolte.

Il rit doucement et nous commençons à marcher vers nos loges respectives.

- En parlant du loup... murmure Julien.

Jean arrive dans la direction opposée.

- J'étais ravi de débattre avec vous, Olivia ! Et je n'ai pas eu vraiment le temps de vous le dire tout à l'heure, mais vous êtes très charmante dans cette chemise. Dit-il avant de me faire un clin d'œil et de sortir par une des portes du couloir.

Je me retourne vers Julien, qui éclate de rire.

- Tais-toi, Moran, je veux pas t'entendre.

- « Sympa ». Répète-t-il en mimant des guillemets avec ses mains, continuant de rire.

- T'es vraiment un enfant, c'est pas possible.

Son rire s'estompe, mais il sourit encore comme un idiot, faisant apparaître ces deux petites fossettes au creux de ses joues. Je me rappelle de cette petite particularité qui m'avait complètement fait craquer la première fois que je l'avais vu. Je le trouvais si innocent quand il souriait à mes blagues débiles. Aujourd'hui, elles me donnent envie de gerber.

Je rentre dans ma loge, où Ana m'attend pour un compte rendu du débat. Elle m'indique les points à améliorer, mais souligne aussi les aspects positifs. Selon elle, les internautes adorent la rage que je mets à reprendre le dessus sur le débat et à invalider chaque argument de mes adversaires.

L'idéologie du coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant