4

23 1 0
                                    




           Elle avait vu sa tête se tourner vers elle, ses yeux rouler, et il avait posé tout doucement sa bière, signe avant-coureur de crise de chatouilles... Ils étaient devenus complices et paraissaient se connaître depuis toujours, le tout en quelques semaines seulement.

Il l'attrapa alors qu'elle se battait avec le loquet de la porte, enferma ses deux poignets dans une seule de ses mains, d'une étreinte de fer, et commença à lui chatouiller le ventre, passant sous son T-shirt. « Bon sang, il a une sacrée poigne ! », se dit-elle.

« Qu'avez-vous donc dit, jeune demoiselle impertinente ! Beurk, pour un petit Moi ! Pourtant, la première fois que tu m'as vu, il m'a plutôt semblé que ta bouche grande ouverte en disait long... Sans parler de tes yeux quand je me suis baissée pour la purge des freins... Il me semble que le 'vieux' n'est pas si désagréable que ça à regarder ! »

Ils s'étaient immobilisés. La tension était revenue instantanément. Elle souriait, bouche pincée, faussement innocente. Elle fit une moue.

« Je pensais que tu ne l'avais pas vu... » Ses yeux brillaient de malice. Le silence s'installa, les yeux de Rico semblaient s'embraser. Elle sentait sa masculinité se réveiller contre elle. Il poussa un profond soupir, et se recula. Elle fit semblant de ne pas s'être aperçue de son « problème ». Il attrapa un burin et fit mine de s'accroupir pour se remettre au travail, tout en tentant de calmer sa respiration troublée.

« Oh, j'adore cette chanson ! » Elle alla monter le son du poste à musique. Son petit postérieur rebondi s'agitait au rythme lancinant de la musique douce. Cette musique avait dû voir des millions de couples se former. Scorpions, un groupe mythique. Il se releva, posa le burin sur une étagère, et s'approcha d'elle.

« Je l'aime beaucoup aussi. M'accordez-vous cette danse, mademoiselle ? »

Elle hésitait après ce qu'il venait de lui avouer. Mais elle se sentit fondre instantanément devant son plus beau sourire. Il était vraiment séduisant. Elle prit la main qui lui était tendue, et vint se blottir contre lui. Il dansait le slow comme les vieux, avec une main relevée, et l'autre à sa taille. Ils tournoyaient lentement.

Comme c'était bon d'être dans les bras d'un homme qui ne pensait pas qu'au sexe comme but. Elle se sentait comme chez elle. Elle respirait son parfum, mêlé à sa douce odeur après deux heures de mécanique, et aux émanations d'essence et d'huile. Elle ferma les yeux et émit un léger grognement de satisfaction.

Elle n'avait pas ressenti ce bien-être depuis plusieurs mois qu'elle était célibataire. Elle tentait de se coller encore plus à lui, alors que la main au creux de son dos la serrait encore plus étroitement.  Elle cessa de penser, pour apprécier seulement ce moment qu'elle vivait. Elle sentait le cœur de son ami battre contre sa maigre poitrine. Il n'était pas très grand, et sa tête tombait juste au creux de son cou. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie enfin si calme et en sécurité.

Mais elle n'avait pas la moindre idée de la bataille que Rico se livrait dans sa tête. Il appréciait tout autant le moment. Il aimait cette femme qui lui faisait une confiance sans limites, cette masse de cheveux désordonnés qui piquaient sa nuque, sa petite main dans la sienne, ses  petits seins serrés contre son cœur, sa nuque soyeuse au creux de laquelle il mourrait d'envie de poser ses lèvres...

Il aimait sentir sa petite taille gracile s'agiter sous sa main qui paraissait tellement disproportionnée. Il aimait l'arrondi de son postérieur qui se dessinait sous son annulaire. C'était vraiment une belle femme. Elle avait des traits délicats, ornés de magnifiques yeux d'un bleu clair profond, dans lesquels il aimait se perdre, lorsqu'elle osait affronter son regard, trop rarement.

Il eût soudain l'impression que sa façade de femme forte s'écroulait. Cette petite chose aux courbes attrayantes, cette petite sauvageonne, garçon manqué, avait soudain l'air tellement fragile. En cet instant, il aurait tout fait pour elle. Jamais il ne s'était senti ainsi, jamais il n'avait eu cette telle sensation de manque, alors même qu'il la tenait dans ses bras.

Puis la lutte qu'il se livrait depuis des semaines reprit. Il ne voulait pas risquer de tout gâcher et de la perdre. Il ne voulait pas l'effrayer. Il ne voulait plus se passer d'elle. Il avait tellement peur qu'il préférait rester son ami. Et l'âge y mettait aussi son grain de sel. Les mots de son ami, Gabriel, lui revenaient en mémoire. :

« Vieux, t'as quand même quinze ans de plus qu'elle, ce n'est qu'une gamine. Dès qu'elle t'aura épuisé, elle te laissera tomber. Ne mets pas en danger ta relation avec Laurie pour une aventure avec une minette de vingt-six ans ! Si ça se trouve, elle ne veut même pas de toi !»

Elle le sentait s'agiter contre elle. Elle tenta de chercher à détendre l'atmosphère.

« C'est déjà le troisième slow. C'est le truc le plus romantique que j'ai connu depuis presque un an... Arrêtes, ou je vais tomber amoureuse ! », Dit-elle en riant doucement. Mais elle sentait que les bras de Rico la retenaient, et elle n'avait pas franchement envie de se séparer de lui non plus.

Elle vit son expression et ne comprit plus. Il semblait presque en colère, énervé. Il laissa tomber ses bras et se retourna vers la moto, attrapant son burin d'un geste vif. Elle afficha un air étonné. Puis tenta à nouveau de trouver un sujet de conversation. Il n'avait plus dit un mot ! Difficile à suivre, cinq minutes plus tôt, il riait !

« On a qu'à voir ça comme ça... Si dans cinq ans, je n'ai toujours pas trouvé de mari, et que toi t'as toujours ni femme, ni bébé, on n'aura qu'à se marier et je te ferais un petit Rico Beurk ! »

Elle rit, mais il ne fit que jeter un négligent «Ttssss » qu'elle reçut comme condescendant. Voyant que son humeur ne s'arrangeait pas, elle lui dit qu'elle allait prendre une douche et se préparer pour sortir le soir. Elle lut comme de la déception dans son regard.

« Ah, tu sors ce soir ? Je pensais avoir mon apprentie mécano avec moi toute la soirée, et peut-être une ou deux pizzas aussi... »

« Ben j'avais annulé, mais comme t'as l'air de faire la gueule... Je vais te laisser tranquille. » Dit-elle timidement.

« Non, non ce n'est rien, j'ai un peu de soucis en ce moment, c'est rien. Un peu de cafard, c'est tout ! » Avant même qu'il ne tente un timide sourire, elle sût qu'il était déjà pardonné. Son téléphone sonna. Il décrocha.

« Ben là, je fais de la mécanique chez la petite nana............... Ben je sais pas.......................Je lui demande.... Ça te dérangerai qu'un pote passe faire un tour ici ? »

« Pas du tout, dis-lui de venir, je vais renflouer le stock de bière et j'ai deux trois trucs à faire ! Je reviens. »

Et elle sortit du garage. Elle n'entendit pas la réponse qu'il lui fit. « Pff, t'es pénible, on était bien tous les deux ! J'aurais des trucs à te raconter, vieux ! A tout de suite.»

Elle prit le temps de s'asseoir sur le canapé pour repenser à cet après-midi si spécial. Elle s'était sentie tellement bien dans ses bras. Et il savait qu'il lui plaisait. C'était gênant. Et d'un autre côté, pousser leur relation plus avant risquait de tout gâcher. Elle aimait bien cette amitié, et y tenait beaucoup. Il était comme un vieux pote moralisateur, qui désormais lui faisait aussi des câlins pour la consoler...

Cette relation, c'est tout ce qu'elle cherchait depuis longtemps, mais sans le sexe et l'amour associé. Elle se refusait à penser à une question d'amour, niant ses sentiments. De rage, elle s'arracha à ses pensées, attrapa trois bières fraîches dans le frigo, et lorsqu'elle descendit les escaliers, elle entendit une moto arriver sur le palier.

Never too late...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant