CHAPITRE 1

28 6 2
                                    

WILLIAM

- Monsieur Grant, merci de nous faire l'honneur de votre présence, c'était laborieux, mais vous êtes là.

Je dévisage un instant l'homme face à moi, la remarque de notre principale ne semble pas lui plaire. Son visage anguleux est fermé, impassible, et ses yeux sont si noirs qu'il m'est impossible de différencier ses pupilles de ses iris. Son corps guindé et ses mains veineuses traduisent sa condition physique exceptionnelle, me faisant me sentir minuscule face à lui. Même son cou ressemble à un tronc d'arbre, bordel.

Ses yeux rencontrent les miens une fraction de seconde avant que je ne baisse le regard sur ses mains. Il s'agite légèrement et triture sa montre hors de prix dans un tic nerveux. À côté de lui, Zachary ne semble pas mesurer la gravité de ce conseil. Il risque l'exclusion définitive, quand même...

Le gamin est vautré sur sa chaise, comme il le fait souvent en cours. Il est relativement grand, mais si fin que son corps se perd sous ses vêtements trop larges. Il a croisé ses bras contre sa poitrine dans une attitude défensive et n'a pas daigné retirer sa casquette, qui écrase sa tignasse noire sur son front. Et son père ne lui dit rien, comme s'il trouvait ça parfaitement normal. Ils mériteraient qu'on leur remette les pieds sur Terre à tous les deux.

- Nous pouvons donc commencer, annonce cérémonieusement la principale sans accorder un sourire à son auditoire. Je vais dans un premier temps énoncer les faits qui sont reprochés à Zachary.

J'en profite pour m'installer plus confortablement, ça risque d'être long.

Madame Brown, notre principale, est toujours tirée à quatre épingles, comme le prouve le chignon strict qui emprisonne ses cheveux grisonnants. Aujourd'hui, elle a revêtu une robe noire à manches longues qui lui donne des airs de juge de la Cour Suprême, ça en est presque cocasse. Elle remonte ses lunettes sur son nez, puis s'empare du dossier pour débuter sa lecture :

- Depuis septembre, Zachary n'a pas rendu un seul des devoirs demandés. Il se permet de dormir en classe malgré ses résultats catastrophiques et traîne sur son téléphone dans les couloirs.

Le père affiche un air blasé mais ne pipe mot, tandis que Zachary arbore un rictus moqueur. Comme s'il y avait de quoi être fier...

- On aurait pu en rester là, mais Zachary se permet de s'en prendre physiquement et verbalement à ses camarades. Son dernier incident en date : un compas planté dans le front de son voisin en cours de mathématiques.

Le rire de Zachary fend le silence, attirant un regard en coin de son paternel, qui a tout l'air de dire « sérieusement ? Tu te fous de ma gueule ?! ». Comme s'il ne savait pas de quoi est capable son gamin.

- Il est venu en caleçon en cours de sport parce que, je cite « j'ai oublié mes affaires ». Il a par la suite refusé de retourner s'habiller. Et je ne m'étalerai pas sur les insultes distribuées à l'ensemble du corps enseignant.

Monsieur Grant fronce les sourcils à l'entente du chef d'accusation. Son visage se fait plus dur, c'est presque imperceptible, mais je remarque ses mâchoires serrées. Pas de doute, le gosse va passer un sale quart d'heure en rentrant.

- Zachary, as-tu quelque chose à dire pour ta défense ? reprend la principale en le dardant d'une œillade acérée.

De ma place, je le vois très clairement soutenir son regard avec affront, avant d'articuler un unique mot, sans que son sourire en coin ne disparaisse :

- Non.

Tiens, étonnant qu'il ne dise rien. Lui qui a l'habitude de toujours l'ouvrir pour débiter des conneries à tout va.

CollisionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant