JORDAN
Dix-huit heure quatre, et toujours aucun signe de ce foutu prof. L'agacement doit se lire sur mon visage, mais je n'en ai pas grand chose à faire. Dans deux heures, j'ai un débrief avec mon équipe, et je suis toujours ponctuel.
Comme me le répétait mon père « le temps, c'est de l'argent ». Il ne croyait pas si bien dire.
On toque à la porte et avant que je ne puisse répondre, cette dernière s'ouvre sur la silhouette de Collins.
— Euh...bonjour ? se hasarde-t-il, incertain face à mon expression blasée.
— Vous êtes en retard.
— J'me suis mis à l'heure de votre fils, rétorque-t-il du tac-au-tac.
Je lui lance un regard noir et il s'installe face à moi, posant tout un tas de documents sur mon bureau au passage.
— Qu'est-ce que c'est ? je demande en examinant les dossiers.
— Le bulletin provisoire de Zachary. Surtout restez bien assis en le lisant.
Il me le tend et je le parcours des yeux. Les remarques faites à l'encontre du comportement de mon fils me laissent sans voix. Entre le « la plupart du temps dans les nuages et ne descend que sous forme de perturbation » et le « un vrai touriste prendrait des photos », je ne sais pas quoi dire. Zach va m'entendre ce soir. Il est inconcevable qu'il agisse de la sorte. Je ne prends pas la peine de commenter ses notes car elles sont vraiment catastrophiques.
— Le point positif c'est qu'il semble avoir pris de meilleures résolutions. Il vise le C en maths. En français il fait acte de présence, et c'est déjà un bon début. Il a même ses affaires en sport.
— Ça, c'est censé être positif ? A quoi sert le tutorat si c'est pour viser un C ? Comment faites-vous votre boulot, vous ?
Le prof semble prendre la mouche, parce que son visage se referme instantanément. Il me darde de son regard outré, tout en répliquant :
— On part de loin quand même, dois-je vous rappeler qu'il frôlait l'exclusion il y a moins d'un mois ?
D'accord, il combat le feu par le feu.
— Et en quoi je dois y jouer un rôle ? je m'offusque en haussant le ton, sans y faire attention. Je suis là pour que vous me fassiez un rapport sur son comportement. Je ne suis pas là pour jouer au prof particulier. Croyez-moi, j'ai bien autre chose à faire.
Je le vois se retenir de soupirer et se redresser sur sa chaise avant de relancer le débat :
— Si vous montriez un peu plus de soutien à votre fils, on n'en serait pas là !
— Du soutien ? Je dois donc l'encourager quand il fait un exposé sur l'art contemporain ? L'applaudir quand il va en cours ? j'énumère en fronçant les sourcils. Ce n'est pas de cette manière qu'il réussira dans la vie.
— Mais ouvrez les yeux, bon sang, s'écrit-il tandis que son visage rougit de seconde en seconde. Votre fils veut simplement exister à vos yeux. Il ne vit que pour ça. Il attendait une réaction de votre part. Il l'attend toujours, d'ailleurs !
— Mais qu'est-ce que vous racontez ? Vous essayez de jouer au psy avec mon fils ?
Collins prend une brusque inspiration, puis s'exclame :
— Il n'a pas besoin d'un psy, il a besoin d'un père !
Là, c'est la goutte de trop. Il me fait sortir de mes gonds. Je me redresse et pose mes mains à plat sur le bureau, me penchant plus près de lui. Le claquement de mes paumes le fait sursauter et il s'enfonce un peu plus dans son siège.
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Collision
RomanceL'année commence mal pour William Collins, professeur d'arts plastiques au collège international privé d'Austin. De toute sa carrière, il n'a jamais connu de telle situation avec un de ses élèves. A deux doigts du renvoi de l'école, le jeune Zachary...