WILLIAM
- A la semaine prochaine, m'sieur !
Les élèves du club de dessin quittent petit à petit la salle pour se rendre au réfectoire, nous laissant seuls, Anna et moi.
Élève de troisième dans la classe dont je suis le prof principal, Anna a tout d'une artiste en herbe. Le look -avec ses mèches violettes et ses Doc Martins jaune poussin-, mais aussi le talent. Le carnet de dessin qu'elle tient entre les mains et dont elle ne se sépare jamais en est la preuve.
Dans quelques mois, une exposition sera installée dans le hall du collège, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Depuis que cette expo a été annoncée, Anna ne vit plus que pour ça.
- Alors, tu as pu avancer dans tes recherches ?
Je m'assieds sur une table proche de la sienne et jette un œil rapide à son carnet, avant qu'elle ne le referme brusquement.
- Oui et non. J'arrive pas à retranscrire ce qu'il y a dans ma tête...
- Tu veux me montrer ?
- Non. C'est trop moche, pour le moment.
J'acquiesce sans insister. Son souci, c'est qu'elle accorde beaucoup trop d'importance aux détails insignifiants. Tant qu'elle ne sera pas elle-même satisfaite de son travail, elle ne laissera personne s'en approcher.
Le lundi, juste avant la pause méridienne, j'anime le club de dessin pour une petite dizaine d'élèves. Anna a toujours eu du mal à s'arrêter dans son travail, alors j'ai fini par déjeuner dans ma salle pour ne pas avoir à la mettre dehors.
Si un gosse demande de lui-même à bosser, qui serais-je pour le lui interdire ?
- Tu as déjà déjeuné ?
- Oui oui, me répond-elle, totalement ailleurs.
« Non non », aurait été plus proche de la vérité, néanmoins, je ne relève pas de peur de la mettre mal à l'aise.
Installé à mon bureau, je déguste le reste de pizza froide qui n'attendait que moi, en me concentrant pour ne pas en mettre partout. La fois où j'avais renversé ma canette de coca sur mon tas de copies à corriger est encore un traumatisme à vif. Inutile de réitérer l'expérience : c'est dur à justifier auprès des élèves lorsqu'on leur rend leurs copies toutes chiffonnées et avec une odeur suspecte en bonus.
Lorsqu'on toque à la porte -qui reste toujours ouverte-, je m'empresse d'avaler la nourriture que j'ai en bouche, puis me retourne vers le nouvel arrivant, que je découvre avec surprise :
- Zachary ! Je ne t'attendais plus !
Le gamin pince ses lèvres, mais ne rétorque rien. Il fixe Anna, qui a enfin daigné lever les yeux de son carnet. Ils s'échangent un regard gêné et j'ai presque l'impression de me sentir de trop.
- Tu peux aller t'installer, je lui lance finalement en le voyant rester planter dans l'encadrement de la porte comme un piquet. Anna ne mord pas. En général.
Zachary lève les yeux au ciel, puis décide de prendre place à la même table que la jeune fille. Anna lève les yeux vers lui, soupire, fronce les sourcils et se détourne en cachant son carnet de son bras.
Je pense que le message est clair : il a plutôt intérêt à la laisser en paix.
Apparemment, ce n'est pas assez explicite pour lui, puisqu'il se penche un peu plus vers elle avant de commenter :
- C'est Frida Khalo ?
Mes sourcils se froncent en même temps que ceux d'Anna. Je ne pensait pas que le gamin était cultivé à ce point. En temps normal, le seul artiste qu'ils arrivent à me citer, c'est Picasso. Et c'est plus pour le vanner qu'autre chose.
VOUS LISEZ
Collision
RomanceL'année commence mal pour William Collins, professeur d'arts plastiques au collège international privé d'Austin. De toute sa carrière, il n'a jamais connu de telle situation avec un de ses élèves. A deux doigts du renvoi de l'école, le jeune Zachary...