La Protégée [ L'intégral ]

Printemps - Résidence de l'équipe, 14h30

Résidence de l'équipe, 14h30

Assise sur mon lit, je bouquine une prochaine parution de nos éditions. C'est Tim, mon bras droit, qui me l'a fait remonter car il pensait que celui-ci pourrait m'intéresser. Et en effet, il a eu raison. L'histoire m'inspire un sentiment étrange que je n'avais pas eu depuis longtemps lors d'une lecture.

Durant ses aventures, le personnage principal s'accroche à la philosophie d'un roman qu'elle a lu un nombre incalculable de fois. A la fin de celles-ci, l'héroïne décide d'envoyer au diable ses principes de prudence inculqués par le livre et trouve l'amour de sa vie. Les passages cités tout au long du livre ainsi que le fil de l'histoire me donnent sincèrement envie de lire cette œuvre.

En quelques recherches internet j'apprends que le roman cité existe bel mais qu'il s'agit surtout d'une histoire racontée de vive voix, une sorte de légende, issue d'une très ancienne littérature du Sultanat de Brunéi.

Le sultanat de Brunéi étant un tout petit état d'Asie du sud duquel est originaire l'autrice, je viens très vite à la conclusion que cette oeuvre cité dans le roman pourrait devenir un incontournable de nos éditions annuelles : il faut absolument que je me trouve un exemplaire de cette histoire et que je trouve le moyen de la publier.

Je farfouille les différents moteurs de recherche afin de trouver un exemplaire de celle-ci, mais sans succès. Seuls des extraits, semblables à des poésies, sont disponibles. Je me retourne donc vers ma dernière solution. Je connais quelque part dans new-york un minuscule shop tenue par une famille asiatique.

Lorsque je me pose des questions concernant la culture asiatique, peu importe le pays, Anne la vendeuse, a toujours une réponse à m'apporter. Sa famille l'a conduit sur beaucoup de chemins pour en apprendre plus sur la culture de son pays d'origine, la Corée, puis des pays autour, et elle a fini par passer la moitié de sa vie à arpenter le continent de long en large, à la recherche de savoir.

Anne s'est installée à New-York il y a plusieurs années quand elle a rencontré un américain expatrié et qu'ils ont décidé de fonder une famille. En vérité, sa boutique n'en est pas vraiment une. Anne est très connue pour sa photographie et n'a pas besoin d'un commerce pour vivre. Ce petit bouiboui caché dans les ruelles c'est surtout son petit coin de pays, sa manière d'échanger et de transmettre ses voyages au-delà de la photo.

Je rêvasse quelques secondes. Sa vie a dû être si exceptionnelle. C'est une vraie femme qui s'assume et vie pleinement. Elle ne se stress de rien. Combien d'épreuves faut-il vivre pour arriver à un tel degré de sérénité et de paix intérieure ?

Je saisis mon téléphone et l'appelle sur son portable. Je souris intérieurement. Je me souviens parfaitement du jour où je suis entrée dans sa boutique, à la recherche d'un thé particulièrement spécifique, dans le but de me plonger dans l'ambiance d'un roman sur lequel toute l'équipe bloquait question com'.

Elle m'avait griffonné son numéro sur un petit bout de papier jaunit après m'avoir gardé trois heures dans la boutique, me faisant déguster une panoplie folle d'infusion en tout genre.

- Oui ? Réponds une petite voix après quelques sonneries.

- Bonjour Anne, c'est Lana.

Je souris derrière le combiné. L'entente simple de sa voix suffit pour m'apaiser.

- Oh ma chère Lana, comment te portes-tu ? J'attendais ton appel. Mon petit doigt m'a dit que tu avais besoin de moi.

Je ris doucement à ses paroles.

- C'est pour le travail aujourd'hui. Il y a une histoire dont j'ai entendu parlé dans un roman que l'on va bientôt éditer mais je suis incapable de trouver un exemplaire. Je ne suis même pas sûre qu'il existe en version papier pour ne rien te cacher. Son titre devrait sonner comme « le nom du fleuve Brunei ».