La Protégée [ L'intégral ]

Printemps - New York, 18h30

New-York - 18h30

"Bip..." Le long bruit de l'électrocardiogramme désormais plat me déchire les tympans. Au loin, je croirais presque entendre le crissement des pneus sur le bitume et le froissement de la carrosserie d'une voiture de sport qui fait des tonneaux, s'éloignant un peu plus de la route à chaque seconde.

J'aurais préféré donner mon âme pour que son cœur continue de battre, mais ses yeux verts sont désormais éteints. J'ai appris à vivre à ses côtés, mais il ne m'a jamais expliqué comment faire sans lui ? Je m'accroche désespérément à ses épaules sans me rendre compte du cri de douleur qui s'échappe de mes lèvres, semblable à celui d'un animal blessé. Mais n'est-ce pas ce que je suis désormais ? Un animal blessé ? Une biche blessée cherchant un regard de soutien que je ne trouverais plus jamais ?

- Madame Edward ? Nous arrivons.

Je sursaute lorsque la voix grave de mon chauffeur me sort de mes pensées. Je me reconnecte doucement à la réalité et le flou à travers la vitre du véhicule se transforme en un défilé d'arbres.

La route pour gagner le lieu de la réception de ce soir n'est pas longue depuis chez moi : Il suffit de passer deux carrefours et de traverser Central Park.

Je profite des quelques secondes qu'il me reste pour reprendre mes esprits, réalisant tout juste que ma respiration est anormalement rapide.

Comme si je venais de vivre l'accident, comme si je venais de vivre son décès, comme si j'étais resté en apnée tout ce temps...

La voiture ralentit finalement devant le Metropolitan Museum, attendant patiemment derrière une file d'autres véhicules. J'observe l'immense façade du bâtiment, illuminée de spot de couleur qui jurent presque avec le soleil encore bien présent en cette soirée de mai.

- Je sens que vous allez passer une soirée pleine de surprises ! Je dirais même plus que ça, j'en suis persuadé ! S'exclame Daniel l'air joyeux avant qu'une silhouette se dessine derrière ma vitre pour ouvrir ma portière.

- Vous avez l'air vraiment certain de cela Daniel ! Je ne sais pas ce qui vous fait dire ça mais tout ce que j'espère c'est en ressortir indemne ! Dis-je tout en lissant nerveusement des plis invisibles sur ma robe.

- J'en suis sûre madame ! Vous allez voir ! M'adresse-t-il tandis qu'un courant d'air frais s'engouffre dans l'habitacle.

Je prends une grande inspiration que je bloque quelques secondes avant de souffler pour reprendre un peu d'aplombs et détache ma ceinture en me redressant.

Il est temps d'entrer en scène.

Mes talons claquent sur le sol tandis que quelques flash m'aveuglent. Je fais deux mètres et m'arrête quelques secondes pour que l'on puisse me prendre en photo.

La réalité, c'est que la plupart de ces journalistes et paparazzis ne savent même pas qui je suis, mais prennent des photos "au cas où" ils manqueraient quelque chose.

Les pauvres doivent trouver l'événement chiant à mourir quand on sait qu'il y a deux semaines à peine, ils se tenaient au même endroit pour suivre le Met Gala.

Le côté positif est qu'ils doivent beaucoup moins se faire bousculer ! A part les curieux de passage dans l'avenue, personne ne prête attention à une soirée de riches anonymes.

- Bienvenue madame. Me lance une jeune femme après que j'aie monté les impressionnantes marches du lieu, recouvertes pour l'occasion d'un tapis rouge. J'avais presque oublié le stress de ma présence ici ce soir tant j'étais concentrée sur le fait de ne pas me casser la figure dans un pli dudit tapis.