Dès que je mets le pied dehors, je me sens mieux. Mon irritation constante s'apaise, calmée par le doux bourdonnement des fleurs nichées dans l'herbe de la clairière qui entour notre maison : œillets, mufliers, crocus, soucis, fuchsias, boutons d'or et pâquerettes. Une fois dans les prés, la sensation s'amplifie jusqu'à me donner le vertige.
Alors que je voudrais m' élancer pour répondre à l'appel de la nature, Cyané se plante devant moi et me dévisage en quête d'un signe de malaise. De fines rides plissent la peau brune autour de ses yeux dorés, ce qui devrait être impossible puisque les nymphes ne vieillissent pas. Mais je lui cause tellement d'inquiétude que cela commence à laisser des traces.
Je voudrais fondre en larmes dans ses bras. Je voudrais qu'elle m' étreigne et me promette que tout va s'arranger. Qui sait quand j'aurai à nouveau l'occasion de lui parler? Quoi qu'il se passe aujourd'hui, quoi que je décide, il n'y a pas de bonne solution.
Mais au lieu de m' effrondrer, je lui assure :
- Je vais bien
- C'est normal d'avoir peur tu sais. Me dit-elle
- Filons d'ici.
Rien de ce qu'elle pourra dire ne suffira à me réconforter, et je ne veux pas risquer de pleurer aussi près de chez moi. Toute ma vie, je me suis sentie à l'étroit dans cette maison. Encore plus après avoir découvert les immenses bâtiments de l' Olympe, qui ont été construits par des dieux architectes, et non par une bande de nymphes pressés d'abriter une déesse enceinte en pleine guerre. Les routes là-haut sont pavées d'or, alors que notre toit prend l'eau. Mais maintenant, j'hésite. J'éprouve finalement autant d'amour que de haine pour notre humble demeure, que j'ai pourtant toujours rêvé de quitter.
Nous nous enfonçons dans un bosquet, enveloppées par l'odeur des pins, des chênes et des cyprès. Je tend l'oreille pour entendre les insectes, les oiseaux. Je regarde partout, comme si je pouvais graver ce spectacle dans ma mémoire et l'emporter avec moi.
- Ta mère lui a tenu tête, me confie Cyané. Elle l'a supplié de t'accorder quelques années de plus. Mais il a refusé. Apparemment, les dieux se battent pour toi.
- Quelle chance.
- La mythique Coré que personne n'a vu depuis l'enfance, élevée sur une île secrète dans le but de préserver sa prêté...tu es une légende vivante pour eux. Un trophée sans pareil.
- Je crois que je vais vomir.
- C'est une bonne chose Coré. Si les hommes se disputent t'es faveurs, t'es parents vont avoir l'embarras du choix. Tu seras assurés de faire un beau mariage.
Car c'est le but de tout ça n'est ce pas? Tous ces accomplissement, cette mise en beauté, ces leçons pour m'apprendre à retenir mon souffle et à me taire. Plus je serai parfaite, plus j'aurai de propositions, et meilleures seront mes chances de décrocher un époux correct.
Après qui je devrai continuer à être parfaite, dans l'espoir qu'il reste correct une fois notre union consommée.
- Pourquoi Mère ne m'a t-elle pas dit que ce mariage ne l'enchantais pas? Je soupire, envahie par un sentiment de culpabilité. J'aurais arrêté de la provoquer si j'avais su.
- Non, tu te serais quand même disputée avec elle. Parce que tu ne peux pas le faire avec Zeus.
Cyané à raison. Rien que l'idée de désobéir à un ordre du roi des dieux, mes intestins se tordent et je rêve de disparaître dans un gouffre sans fond.
VOUS LISEZ
• LA REINE DES ENFERS •
Romance『 Même les cœurs en pierre, et les âmes les plus noirs peuvent rêver d'un amour sain...ou presque 』